Depuis longtemps, le vote des anglophones et celui des immigrants est un déterminant majeur et incontournable des résultats électoraux au Québec. Selon Léger, les anglophones (langue maternelle) ont 5,5 fois moins de probabilité de voter Bloc comparativement à PLC tandis que les allophones (langue maternelle) ont une probabilité de 0% (!) de voter Bloc et votent encore plus massivement pour le PLC que les anglophones eux-mêmes. Ainsi, les allophones se comportent électoralement, au Québec, comme des « super-anglophones ».
On pourrait penser que cette orientation électorale des immigrants serait transitoire et disparaitrait avec l’apprentissage du français et la durée de séjour au Québec. Un sondage fait par Nanos, ne tenant pas compte de la langue mais seulement du statut migratoire, indique qu’un immigrant a une probabilité relative de voter Bloc, comparée aux natifs, de 0%, 26% et 10%, dépendant s’il est né à l’étranger, est né au Canada avec au moins un parent né à l’étranger et est né au Canada avec au moins un grand-parent né à l’étranger.
Dans ce sondage, la durée de séjour diminue la probabilité de voter Bloc, même si l’immigrant est né au Canada et a passé toute sa vie au Québec. En toute probabilité, il s’agit là d’un effet de sélection de l’immigration, ceux ayant un grand-parent né à l’étranger étant probablement d’origine italienne ou grecque et s’étant intégrés en bloc, avant la loi 101, à la communauté anglophone. Quoi qu’il en soit, même les immigrants les plus récents ont une orientation électorale qui est le quart seulement, environ, de celle des natifs francophones. Cela est une illustration que l’intégration culturelle (pas seulement linguistique) prend beaucoup, beaucoup de temps (au moins deux générations, sinon plus), si elle se réalise jamais…
C’est ici que le statut politique du Québec joue un rôle fondamental : les immigrants immigrent au Canada et non au Québec, ne l’oublient pas de sitôt, et s’intègrent assez peu finalement, politiquement, à l’identité « provinciale », subordonnée, québécoise.
Ce qui est intéressant également dans l’étude de Nanos, c’est le décalage entre les intentions de vote pour le PLC et pour le PCC des immigrants; alors que les natifs divisent leur vote presque également entre le PLC et le PCC (pour le Canada au complet), les immigrants « sur votent » systématiquement en faveur du PLC, par une marge de 3,3, 10,3 et 9,9 points, dépendant du statut des générations, respectivement.
A l’échelle du Canada, l’immigration avantage systématiquement le PLC et au Québec, cette distorsion électorale est particulièrement grave. Qui plus est, cette distorsion perdure dans le temps de manière remarquable. Cela a été compris depuis longtemps par les fédéralistes qui ont, depuis longtemps, instrumentalisé l’immigration contre le nationalisme Québécois (rappelons, par exemple, les naturalisations de masse d’immigrants juste avant le référendum de 1995).
Il semble donc que l’immigration massive bloque non seulement l’expression politique du nationalisme Québécois, mais qu’elle bloque également l’alternance politique, base de toute démocratie saine.
Avec l’immigration massive, le Canada s’installe de plus en plus dans un régime de parti unique.
Depuis les résultats de lundi dernier, les savantes analyses affirmant que les nationalistes Québécois auraient massivement voté pour Mark Carney se succèdent. Sont-elles justes?
On sait que le vote au Québec est profondément structuré par la culture et la langue.
Ainsi, selon Léger, les anglophones (langue maternelle) appuyaient le PLC à hauteur de 65% au Québec (contre 6% seulement pour le Bloc) tandis que les francophones appuyaient le Bloc à hauteur de 33% (34% pour le PLC) et les allophones appuyaient le PLC à 70% (vs 0% (!) pour le Bloc). Si les francophones répartissent leurs votes entre plusieurs partis de façon à peu près pondéré, le vote anglophone et immigrant se reporte massivement, de façon quasi-soviétique, sur le PLC.
Selon une enquête Nanos effectuée en avril 2025, le Bloc Québécois obtient 4 fois MOINS d’appuis chez les immigrants de 2ème génération nés au Canada que chez les immigrants de 1ère génération nés au Canada (2,5% vs 0,6%) et 4 fois MOINS d’appuis chez les immigrants 1ère génération nés au Canada vs les natifs (9,5% vs 2,5%). Chez les immigrants nés à l’étranger, le Bloc Québécois obtient même 0% des intentions de vote! C’est le plus gros décalage entre les intentions de votes des immigrants et celui des natifs de tous les partis au Canada, et de loin.
On peut donc penser que la hausse effrénée de la proportion d’immigrants dans la population du Québec depuis des années a des impacts grandissants sur les résultats électoraux. Pour le savoir hors de tout doute, il faudrait faire une étude minutieuse de toutes les circonscriptions (appel à tous!).
Mais penchons-nous, pour fins pédagogiques, sur Longueuil-Saint-Hubert, l’ex-circonscription du bloquiste défait Denis Trudel.
En 2021, selon Élections Canada, le Bloc Québécois a obtenu 23 579 votes dans Longueuil-Saint-Hubert et 23 468 en 2025, un résultat quasi constant. Le PLC, quant à lui est passé de 21 930 votes à 24 237 (gain +2 307). Le nombre de bulletins valide en 2021 était de 58 379 et de 60 310 en 2025 (gain de 1 931). La population de Longueuil a crû de 12 546 sur la période 2021-2024.
A noter cependant qu’en 2022, cette circonscription a été redécoupée, ce qui a certainement eu des incidences (inconnues pour l’instant) sur la composition ethno-linguistique de celle-ci et toute comparaison entre 2021 et 2025 est donc à prendre avec des pincettes. Il faudrait reconstruire les résultats 2021 avec la circonscription 2025 pour faire une comparaison exacte (un travail de moine).
On peut penser, cependant, que la variation d’électeurs de 1 931 de 2021 à 2025 provient, en bonne partie étant donné les mouvements de population durant cette période, de l’immigration et, selon Nanos, ce bloc d’électeurs a fort probablement exprimé son vote non pas en faveur du Bloc mais du PLC. Il aurait donc suffi d’un combinaison du nouveau vote immigrant et d’un report de 376 votes francophones vers le PLC pour expliquer la défaite de M. Trudel.
Dans cette circonscription qui subit l’immigration massive depuis des années, la défaite du Bloc s’explique donc fort probablement, simplement, à 85% environ, par le vote des immigrants.
Si ce résultat tient pour l’ensemble du Québec, alors l’immigration massive nous conduit rapidement vers une extinction électorale du nationalisme Québecois.
Recension de lecture. « L’étrange suicide de l’Europe » de Douglas Murray
Je n’avais jamais lu Douglas Murray, écrivain et intellectuel britannique de son état, connu pour de multiples livres et interventions médiatiques. J’ai donc corrigé cette lacune et lu « L’étrange suicide de l’Europe : Immigration, identité, islam », paru en 2017.
Un livre de plus de 500 pages qui fournit un tour d’horizon encyclopédique de la question de l’immigration en Europe, partant des débuts de l’immigration de masse suite au boom économique des « trente glorieuses » de l’après-guerre où s’est fait sentir un besoin de main-d’œuvre pour nourrir la machine de production alors en plein essor en passant par la « crise des migrants » et l’ouverture des portes de l’Allemagne par Angela Merkel à un million de réfugiés de 2015-2016, ouverture qui a conduit à ce que l’Aternative fur Deutschland (AFD) un parti antisystème qui souhaite sortir l’Allemagne de l’Union Européenne et réduire drastiquement l’immigration, soit aujourd’hui en tête des intentions de vote dans ce pays. Partout en Europe, la question de l’immigration, refoulée aux marges pendant des décennies, ressurgit et bouleverse l’échiquier politique.
Murray démontre brillamment à quel point la question de l’immigration n’a jamais été réfléchie sérieusement par l’ensemble des élites politiques européennes. Ainsi, le début de l’immigration de masse était vu comme une solution « temporaire » à la pénurie de main-d’œuvre des années soixante. Mais, évidemment, les immigrants « temporaires » sont restés, ont fait venir leurs femmes, ont eu des enfants, ont fait souche dans le pays et sont devenus de plus en plus nombreux. Le flux d’immigrants, attirés par la qualité de vie de l’Europe (plus que par sa culture) a augmenté d’une année à l’autre et d’une décennie à l’autre, tel un schème de Ponzi inarrêtable. A chaque étape, la perspective court terme a dominé; aucun politique n’a pensé aux conséquences à long terme de faire venir des population aux mœurs différentes, et pour certaines, provenant de cultures totalement incompatibles avec celles de l’Europe. Les politiciens élus pour quelques années et ne pensant qu’à leur réélection prochaine ont évacué toute pensée long terme et ont ainsi entrainé l’Europe dans la catastrophe actuelle. On touche là à une faiblesse fondamentale -peut-être fatale- de la démocratie libérale.
Murray parle des quelques lanceurs d’alertes, tel le député anglais Enoch Powell, qui a eu le malheur de réfléchir à la question de l’immigration et qui a tiré les conséquences logiques des évènements qu’il voyait se dérouler sous ses yeux. Powell a averti que l’immigration de masse, si elle continuait, allait changer la société anglaise de façon profonde et non souhaitée. La parole de Powell a résonnée dans le peuple Anglais : les sondages de l’époque indiquaient déjà que de plus de 60% de la population était hostile à l’immigration de masse, soit environ le même niveau qu’aujourd’hui. Cela fait donc presque soixante ans que le peuple Anglais s’oppose à l’immigration massive et cela fait soixante ans que les élites politiques ignorent totalement le peuple et que l’immigration augmente d’une année à l’autre et d’une décennie à l’autre, peu importe que le gouvernement soit « Labor » ou « Conservative ». En immigration, la trahison des élites européennes est totale et dure depuis des décennies.
Le parallèle à faire avec notre situation est frappant : la CAQ s’est fait élire largement sur une promesse de réduction de l’immigration et on se retrouve pourtant, 7 ans plus tard, avec des niveaux d’immigration qui fracassent tous les records historiques malgré l’opposition de la population à la chose. Ce qui est à souligner également, c’est à quel point le Canada suit le script Britannique à la lettre avec quelques années de retard seulement : ainsi, Murray écrit qu’en Angleterre, en 2014, 37% des nouveau-nés avaient au moins un parent né à l’étranger et que 27% en avaient deux; un niveau que le Québec a atteint, grosso modo, en 2023. On peut parier que M. Carney, qui a passé beaucoup de temps en Angleterre, va nous servir les mêmes potions que l’élite anglaise a dispensée à son peuple.
Pour revenir à Powell : celui-ci a été complètement écrasé politiquement par l’élite en place, qui refusait d’admettre qu’elle ait pu commettre une erreur, a été calomnié, accusé de racisme, sa carrière a été détruite et il a sombré dans l’oubli. Le prix à payer pour s’opposer à l’immigration de masse était (et est) immense. Tous les opposants potentiels ont compris le message et se sont tus. C’est ainsi qu’en immigration, la censure, le mensonge et le double discours sont devenus dominants; dans les décennies suivantes, les hommes et femmes politiques qui avaient des doutes sur la politique d’immigration se turent. Cela a permis aux choses de continuer.
Le refus absolu de la classe politique d’admettre ses erreurs a mené à la fuite dans l’idéologie de la « diversité » et du « multiculturalisme », le déni de la réalité et une vision du monde niant les profondes différences culturelles qui peuvent exister entre les peuples. Différences parfois irréconciliables comme on le voit avec la question de l’islam qui est en train de fissurer à peu près toutes les sociétés occidentales, la solution pour « vivre ensemble » sans soumission avec une religion aux visées souvent totalitaires et hégémoniques n’ayant été trouvée par personne.
Murray, et c’est sa force, ne s’interdit d’examiner aucune question et enfreint les tabous : les gangs musulmans au Royaume-Uni organisant le viol de jeunes filles blanches, non musulmanes et considérées en conséquence comme des sous-humaines, l’explosion des viols en Suède suite à l’ouverture des vannes de l’immigration au début des années 2000, le nihilisme et le mépris pour la culture européenne enrayant l’intégration et créant un appel d’air, la laïcité en tant qu’héritage profondément catholique et impensable dans la culture islamique, la démographie qui fera en sorte que les peuple européens deviendront minoritaires dans leurs propres pays au cours des décennies à venir et que ces peuples (mais pas les autres peuples!) seront donc privés à jamais d’un « chez eux », la haine de l’Occident qui est à la base du « multiculturalisme » où la seule culture qui n’a aucune valeur et qui doit disparaitre est la nôtre, etc.
Le tour d’horizon de Murray est complet. Et s’il aborde les questions qui choquent, avec une liberté de parole quasiment impensable au Canada et au Québec, c’est toujours avec nuance et appuyé par des témoignages de première main, du travail de terrain et par une abondante documentation.
Un livre époustouflant dont on ressort convaincu d’une chose : soit les peuples occidentaux vont bientôt réussir à reprendre le contrôle démocratique de la question de l’immigration, soit ils vont disparaitre. Et va disparaitre avec eux la culture européenne et occidentale, seul héritage encore vivace de l’esprit grec et romain qui a apporté au monde, entre autres bagatelles, la science, l’égalité de tous devant la loi, les droits de l’homme, l’égalité homme-femme, la fin de l’esclavage, la séparation du temporel et du spirituel, etc. Un héritage culturel, donc, dont on n’a pas à avoir honte et que l’on pourrait choisir de porter bien haut.
La question de l’immigration est à mon avis LA question la plus importante pour les prochaines années, celle dont dépend toutes les autres. Ce livre est donc à lire absolument.
En 2018, la Coalition Avenir Québec (CAQ) de François Legault a remporté les élections et remplacé le Parti Libéral du Québec (PLQ) en promettant essentiellement deux choses : la laïcité et la réduction de l’immigration. Ces promesses ont été tenues, en partie, avec la minimaliste Loi sur la laïcité de l’État en 2019 et la légère réduction temporaire des seuils d’immigration permanents en 2019 et 2020.
En 2022, M. Legault a semblé rempiler sur ses promesses en immigration en affirmant que « plus de 50 000 immigrants » c’était « suicidaire » et que cela allait nous mener à la « Louisianisation ». Cela lui prenait donc un « mandat fort ». Ces fortes paroles ont fonctionné et la CAQ a récolté 90 députés aux élections générales de 2022.
C’est à partir de ce point de départ et la réalité actuelle que l’on constate, avec consternation, à quel point l’écart entre les paroles de M. Legault en 2018 et 2022 et la réalité de 2025 est grand, énorme, abyssal.
Le bilan démographique du Québec vient d’être mis à jour pour 2024 sur le site de l’Institut de la Statistique du Québec. On y apprend qu’en 3 ans (2022, 2023 et 2024), le solde migratoire externe du Québec a été de 493 097 personnes. Un demi-million de nouveaux immigrants ou 5,7% de la population en immigrants en 3 ans seulement!
En 2018, alors que M. Legault promettait de réduire l’immigration (« en prendre moins, mais en prendre soin »), le solde migratoire était de 83 200. Celui-ci a doublé depuis lors!
Depuis la prise de pouvoir par la CAQ en 2018, la population du Québec a augmenté de 772 746 personnes, soit de 9,3%. Hausse due entièrement à l’immigration. En 7 années de pouvoir caquiste, le Québec a accueilli (ou subi?) pour 15 ans et demi d’immigration au rythme promis de 50 000/an. Dans les 3 dernières années, il a accueilli l’équivalent de 10 ans d’immigration. De tels chiffres donnent le tournis et se comparent au taux de croissance de certains états africains (aucun de ces états ne va bien…).
Aucun peuple au monde-et encore moins une province à la culture chancelante- ne peut accueillir de tels volumes d’étrangers sans voir ses services publics se dégrader, ses enfants devenir minoritaires dans les écoles, l’islam politique –porté par la démographie- devenir de plus en plus intolérant et conquérant et l’intégration s’enrayer ou se faire à rebours, de l’ancienne vers la « nouvelle » majorité en train de se constituer.
L’immigration des dernières années est à mon avis la plus grave catastrophe à avoir jamais frappée le Québec français.
C’est une submersion démographique, le plan Durham en action. Pour de vrai.
Une catastrophe qui signe à assez court terme la fin du Québec français, à moins d’un changement de cap aussi radical qu’immédiat. Ce qui se trame à Laval et dans d’autres banlieues de Montréal avec la noyade démographique des francophones qui a cours, prend et va prendre racine partout au Québec. A ce rythme, en 2030, le Québec aura accueilli 1 million de personnes supplémentaires et sa population dépassera le 10 million de personnes. Les « kebs » seront alors minoritaires probablement dans toute la grande région de Montréal et à Québec, du moins dans les classes d’âge les plus jeunes, celle qui forment l’avenir de la nation.
Et alors que l’immigration explose d’un côté, les finances publiques implosent de l’autre; il semble évident que l’immigration ne nous enrichisse nullement, contrairement à ce qui l’on nous a répété pendant des décennies.
Le manque de vision de M. Legault, son manque de courage, la gestion de mononcle colonisé de la CAQ (que l’on voit partout, en économie dans la filière batterie par exemple et pas seulement en immigration) nous mène collectivement à la plus grande catastrophe de l’histoire du Québec et à une forme de suicide collectif.
Jamais, je crois, l’on a pu voir un tel écart-abyssal- entre le discours (« nationaliste ») d’un premier ministre du Québec et la réalité du Québec de 2025. L’écart est tel que son discours est en fait une forme d’inversion de la réalité. Lorsque l’on rajoute à cela l’absence totale de réaction conséquente de M. Legault et sa soumission absolue à Ottawa, force est de conclure une chose : M. Legault nous a trahis. Tout simplement.
Celui-ci aurait pu, par exemple, en réaction au déluge d’immigrants temporaires, fermer les vannes de l’immigration permanente (au lieu de les ouvrir à 65 000/an au lieu des 50 000/an promis), il aurait pu organiser un référendum sur l’immigration pour créer un rapport de force et rapatrier ce pouvoir, il aurait pu refuser d’émettre les Certificats d’acceptation du Québec pour ces centaines de milliers de personnes, il aurait pu… en faire beaucoup. Mais M. Legault a choisi d’opérer à l’intérieur des paramètres mentaux définis et autorisés par Ottawa, paramètres qui assurent que le Québec perde systématiquement. Il s’agit là d’une forme d’aliénation que l’on nommait autrefois « être colonisé », terme toujours d’actualité, selon moi.
Comme l’écrivait René Lévesque en parlant de Jean-Jacques Bertrand, premier ministre sous l’Union nationale en 1969 : « L’homme est sincère – Il est pétri de ce bonententisme minoritaire qui, chez toutes les générations d’avant comme d’après 1867, a fini par donner à notre résignation de faibles les vertueuses apparences de la tolérance civilisée et du respect de la liberté. Que ce soit devenu, à Montréal surtout, la liberté du renard dans le poulailler, cela il ne le sent pas. Ou pas assez pour rompre chez lui ce conditionnement de toute une vie à la possession tranquille des vieilles vérités de la survivance prudente où, à force de ne rien risquer, on finit par risquer tout, pour faire cadeau inconsciemment de l’avenir du Québec à notre minorité de plus en plus dominante et assimilatrice ».
M. Legault doit partir. Il a causé assez de dommages.
L’absence de réaction forte, le détournement presque général du regard des politiques (sauf PSPP, soulignons-le) face aux menaces de mort d’une violence inouïe (qui appelaient au « génocide des gays » ! par exemple) visant un professeur homosexuel dans une de nos écoles prépare le terrain à des évènements futurs plus graves encore, par exemple à un futur Samuel Paty québécois.
Est-ce exagéré d’affirmer cela ? Non. Les mêmes causes produisent les mêmes effets et nous ne sommes pas protégés par un quelconque « exceptionnalisme » canadien ou québécois.
Les incidents reliés aux problèmes d’intégration d’une certaine proportion de l’immigration très abondante que nous accueillons depuis quelques décennies s’accumulent.
L’année passée, il y a eu par exemple le cas de l’école Bedford à Montréal, une école primaire où, selon les informations qui ont coulé publiquement, des islamistes ont noyauté le corps professoral ; celui-ci, par exemple, est constitué de 90% de personnes originaires d’Afrique du Nord (ce qui constitue tout de même une sacrée anomalie statistique) et l’enseignement semble dévier pas mal du programme pédagogique des écoles québécoises. Les enfants sont pris en otage par soit par des incompétents, soit des fanatiques. Il faut écouter l’entrevue d’une ex-professeur à cette école pour réaliser à quel point la situation y est grave. Mais le plus consternant est que cette histoire n’a suscité aucune réaction digne de ce nom ! C’est le silence depuis ces révélations de mai 2023.
Il y a également eu le cas des prières de masse dans des écoles de la région de Montréal lors du ramadan l’année passée, une démonstration de force visiblement concertée et organisée, qui heureusement, a mené à l’adoption d’une consigne visant leur interdiction (aujourd’hui contestée en cour par des groupes fréristes, histoire à suivre).
Il y eu les chroniques crève-cœur de Jean-François Lisée (« Identité anti-québécoise ») qui révélaient la montée de ce qu’il faut bien nommer un racisme anti-québécois de la part de certains élèves issus de l’immigration, élèves qui sont maintenant majoritaires dans un très grand nombre d’écoles. Une situation qui mène souvent à un mépris ouvert pour l’identité québécoise. Il faut lire à ce sujet ce témoignage poignant (« Longtemps j’ai refoulé mon identité québécoise »).
Certaines écoles de la région de Montréal ne sont plus « multiculturelles » ou « multiethniques », mais sont maintenant majoritairement « arabo-musulmanes » ou « africano-haïtiennes ». Les élèves d’origine québécoise y sont une espèce en voie de disparition. C’est ce que dit indirectement cet article de la Presse avec force périphrases et litotes.
C’est le rapport de force démographique entre « communautés » qui compte ici, et qui s’affirme avec une force grandissante dans nos écoles. Le niveau d’immigration est tel depuis 20 ans qu’il a conduit à une submersion démographique des élèves non immigrants par les élèves immigrants de première et deuxième génération partout dans le grand Montréal et même, de plus en plus, en région. Notre politique d’immigration, sélectionnant selon la « connaissance du français », ne pose pas la question des « valeurs » ou même de la volonté d’intégration. On suppose que cette volonté est là alors qu’en réalité, pour les islamistes par exemple, le but avoué est de ne jamais s’intégrer et d’ériger une société parallèle sur notre sol. Ce qui nous garantit un cauchemar sociétal dans l’avenir car ces gens visent, à terme, l’établissement d’un califat.
L’intégration est un processus long, qui prend du temps (au moins deux générations) et qui dépasse de beaucoup la simple question de la « connaissance du français ». Pour que l’intégration soit possible, le nombre d’immigrants, leur proportion doit être limitée afin que le rapport de force démographique soit en faveur des non immigrants. Ce n’est plus le cas dans des écoles partout dans le grand Montréal et dans les grandes villes comme Québec ou Sherbrooke. En conséquence de quoi, les succès d’intégration que nous avons eus dans le passé risquent fortement de se tarir. L’intégration va même aller dans l’autre sens.
Les bonnes intentions, les slogans vides, les phrases creuses n’ont aucune portée et ne servent qu’à rassurer ceux qui ne veulent pas regarder la situation en face.
C’est la démographie qui va trancher la question de l’intégration.
A peine quelques mois après avoir été nommé en poste en mars 2023, le commissaire à la langue française, M. Benoit Dubreuil, avait soumis un premier rapport qui laissait entendre que cette nomination était un des (rares) bons coups de la CAQ en matière de langue (voir Le commissaire débute en force). Je craignais que le poste de commissaire à la Langue française ne serve de sinécure pour nommer un ami du régime inutile et grassement payé, comme l’est Jean-François Roberge par exemple, ministre de la Langue française. Il existait à mes yeux un réel danger que la question linguistique ne serve de couvert à l’extension d’une bureaucratie linguistique qui ne serait qu’au service d’elle-même.
Mais mes craintes étaient infondées; le commissaire récidive en déposant un rapport sur l’immigration temporaire qui est une petite bombe et qui prouve définitivement le bien-fondé de cette nomination.
La minuscule équipe de recherche du commissaire (2 personnes!) a pondu un volumineux rapport sur la question de l’heure, l’immigration temporaire, rapport truffé de données et d’analyses percutantes. La force du document est de rassembler les données pertinentes en une seule synthèse accessible et, également, de cadrer rationnellement le débat sur la francisation.
Tempête parfaite sur le français
Deux constats ressortent: 1) « De 2016 à 2023, nous sommes passés de 86 065 à 528 034 immigrants temporaires au Québec » (p.5), soit une croissance de 5 135% en 7 ans et 2) « De 2021 à 2023, la population non permanente qui ne connaissait pas le français aurait pratiquement triplé. En octobre 2023, elle se situait vraisemblablement entre 155 351 et 191 015 personnes » (p.5).
Cette hausse incontrôlée, anarchique, de l’immigration temporaire est en train de conduire non seulement à une crise du logement sans précédent et à une crise généralisée des services publics, mais aussi à une accélération sans précédent de l’anglicisation du Québec. Ainsi, « la proportion de la population québécoise incapable de soutenir une conversation en français aurait quant à elle atteint 7,2 % en 2023, comparativement à 5,6 % en 2016 » (p.5).
Et, « parmi les immigrantes et immigrants temporaires qui ne connaissent pas le français, la plupart peuvent s’exprimer en anglais (86 %) et utilisent principalement cette langue au travail » (p.6). En deux ans seulement, de 2021 à 2023, « l’augmentation de l’immigration temporaire aurait entraîné une hausse d’environ 1,0 % de l’utilisation prédominante de l’anglais au travail. Cette hausse s’ajouterait à celle d’environ 2,1 % observée sur dix ans entre 2011 et 2021 » (p.6).
Il s’agit là, en quelques années, de hausses de l’anglais probablement sans précédent dans l’histoire du Québec depuis la Conquête ou l’immigration des loyalistes américains par suite de la guerre d’indépendance américaine.
On peut affirmer que Québec est maintenant plongé dans la pire crise linguistique et démographique de son histoire, crise d’une ampleur à mon avis supérieure à celle de Saint-Léonard.
Le bilinguisme concurrentiel au Québec
Là où le commissaire frappe, et frappe fort, c’est en se penchant sur la question de la francisation éventuelle de ces volumes démentiels d’immigrants. Le commissaire met le doigt, sans le dire avec ces mots, sur le bilinguisme concurrentiel qui règne au Québec comme source des problèmes de francisation des immigrants : « Dans un contexte de bilinguisme très répandu, comme celui de la région métropolitaine de Montréal, les personnes immigrantes peuvent souvent opter pour l’une ou l’autre de ces langues. Plusieurs facteurs sont susceptibles d’influencer leur choix. Le facteur qui l’influence le plus est sans doute le niveau relatif de compétence qu’elles ont atteint en français par rapport à l’anglais. Les données publiées par le MIFI ne précisent pas dans quelle langue les immigrants et immigrantes bilingues ont le plus de facilité à s’exprimer. Cette information se trouve cependant dans les données administratives d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC). Nous apprenons ainsi que, parmi les personnes immigrantes qui ont été admises au Québec entre 2019 et 2022 et qui connaissaient le français à leur arrivée, 12,7 % avaient le plus de facilité en anglais. Nous pouvons penser que ces personnes auront tendance à utiliser l’anglais de manière préférentielle, malgré leur connaissance du français. La tendance de certains immigrants bilingues à utiliser d’abord l’anglais pourrait être d’autant plus grande que le niveau de français qui sera exigé à la sélection (niveau 5 ou 7) ne sera pas clairement suffisant pour permettre aux personnes admises d’être pleinement efficaces dans plusieurs emplois » (p.12).
Le fond du problème de l’intégration des immigrants au Québec est l’existence de deux sociétés d’intégration parallèles, l’une anglaise et l’autre française; les immigrants sont libres de choisir l’une ou l’autre en fonction de leur tropisme ou de leur maitrise préalable de l’anglais ou du français.
Ce bilinguisme concurrentiel est maintenu (au Québec seulement!) par la Loi sur les langues officielles fédérale et, aussi, par le Québec, qui, malgré les pronunciamientos officiels, est un État et une société bilingue qui maintient le bilinguisme concurrentiel dans les services publics (la loi 96 n’ayant pas mis fin à la chose de manière convaincante grâce à Jean-François Roberge) et dans tout le réseau d’éducation postsecondaire. Le Québec étant une simple province, il n’a pas de visibilité ou d’existence à l’international, ce qui fait que le message que les immigrants captent, 5 sur 5, est celui émis par le Canada, qui hurle à la face du monde qu’il est un pays anglais.
La figure 13 (p.81) du rapport est une illustration spectaculaire de la réalité du bilinguisme concurrentiel au Québec et de son inexistence ailleurs au Canada.
L’on constate à la figure 13 qu’ailleurs qu’au Québec (et au Nouveau-Brunswick), quasiment tous les immigrants temporaires (95%) connaissent l’anglais et que très peu connaissent le français (5% ou moins). La situation est toute autre au Québec où 28,6% des immigrants temporaires connaissent seulement l’anglais tandis que 43,4% connaissant l’anglais et le français. Le commissaire résume pudiquement la chose ainsi (p.81): « nous pouvons affirmer que la plupart des personnes immigrantes connaissent l’anglais avant leur arrivée au Canada, hormis celles qui veulent s’installer au Québec et au Nouveau-Brunswick. En effet, si elles apprenaient l’anglais seulement après leur arrivée au Canada, nous observerions un pourcentage beaucoup plus élevé de personnes qui ne le maîtrisent pas. Or, ce n’est pas le cas. Par ailleurs, en dehors de ces deux provinces, la connaissance généralisée de l’anglais n’est pas surprenante. En effet, elle est habituellement nécessaire pour trouver un emploi ou être admis dans un programme d’études, soit les deux principales manières d’obtenir un statut d’immigration temporaire au Canada. Au Québec, seule une faible partie des personnes immigrantes ne maîtrise ni le français ni l’anglais. Comme dans les autres provinces canadiennes, les personnes qui y immigrent acquièrent avant leur arrivée les connaissances linguistiques qui leur permettront d’y travailler ou d’y étudier. Le Québec se distingue néanmoins par le fait que les personnes immigrantes peuvent y travailler ou étudier en français ou en anglais. Ainsi, une part importante de l’immigration temporaire s’installe au Québec dans le but d’y travailler ou étudier dans la langue de la minorité linguistique, alors qu’une telle situation n’existe pas ailleurs au Canada (à l’exception, mais dans une mesure moindre, du Nouveau-Brunswick) ».
La « francisation »: une illusion?
La partie la plus explosive du rapport est celle portant sur la francisation. On y apprend, par exemple, qu’en 2023, « seule une minorité de personnes ne maîtrisant pas le français a participé aux cours offerts par le gouvernement du Québec, soit une proportion estimée de 39,5 % des titulaires d’un permis de travail, 14,1 % des titulaires d’un permis d’études et 5,2 % des personnes demandeuses d’asile. En équivalents à temps complet, le nombre de personnes formées par l’entremise de l’offre gouvernementale correspondrait seulement à 5,4 % du nombre de personnes ne connaissant pas le français » (p.82). En résumé, la francisation continue d’être un « fiasco », comme le titrait déjà le rapport du Vérificateur général en 2017.
S’il faut bien sûr continuer à augmenter l’offre de francisation, il faut aussi réaliser que le problème n’est peut-être pas tant l’offre de francisation que la demande. De trop nombreux immigrants ne voient manifestement pas l’intérêt d’investir temps et argent (et certains ne le peuvent soyons justes) pour augmenter leur compétence en français. La chose n’est probablement pas économiquement justifiable (les études manquent à ce sujet) et, de plus, l’existence du bilinguisme concurrentiel, assuré et maintenu par Québec et Ottawa, fait en sorte que le français est souvent une langue parfaitement optionnelle.
Le commissaire a estimé quel serait le coût d’assurer une francisation de tous les temporaires qui ne connaissent pas le français jusqu’au niveau 8. La somme requise tournerait autour de 13 milliards de dollars!
Cette somme, à mon avis, peut être rajoutée au budget de l’an 1 du Parti québécois et correspond à l’un des coûts pour le Québec de faire partie du Canada. Son inexistence à l’international lui impose une écrasante charge financière s’il veut intégrer correctement les immigrants qui arrivent et qui s’installent au Québec en pensant s’installer au Canada. Le Québec doit payer à l’interne pour corriger le message « pays anglais! » envoyé par le Canada sur toute la planète. Faute de quoi il s’anglicise. Du point de vue canadien, un piège parfait. Le Canada nous sabote.
Québec tient actuellement des consultations en vue de la planification pluriannuelle de l’immigration. Ces consultations ont pour but explicite de définir de « nouvelles orientations pour favoriser une immigration francophone » et se concentrent sur l’immigration internationale. Un facteur important d’anglicisation du Québec ne sera donc pas examiné lors de ces consultations, j’ai nommé l’immigration interprovinciale.
En 2021, parmi les anglophones du Québec (selon la première langue officielle parlée), seuls 53% étaient nés au Québec (voir graphique 6). Des 47% restants, 36% étaient nés à l’extérieur du Canada et 11% étaient nés au Canada hors Québec. On peut donc estimer que l’immigration interprovinciale équivaut environ au tiers de l’impact anglicisant de l’immigration internationale et est responsable d’environ les deux cinquièmes de l’anglicisation du Québec résultant de l’intégration à la communauté anglophone de personnes qui ne sont pas nées au Québec. C’est loin d’être marginal.
Le tamisage migratoire, soit le départ en surnombre du Québec des anglophones et allophones anglicisés, est le facteur principal qui a permis au Québec français de maintenir le poids démographique relatif des francophones en haut de 80% pendant plus d’un siècle. Or, depuis plusieurs années, le solde migratoire interprovincial est de moins en moins négatif et le tamisage migratoire est en train de s’enrayer. Des ontariens sont en train de s’établir en masse à Gatineau, attirés par le prix plus faible des maisons et, bien sûr, ceux-ci imposent l’anglais partout où ils vont.
La société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) vient de réaliser une étude de projections démographiques pour calculer la quantité de logements nécessaires au Canada d’ici 2030. La SCHL écrit (p.9) : « Dans le scénario de forte croissance démographique, il faudrait davantage de logements en Alberta et au Québec. En effet, un nombre de plus en plus important d’immigrants s’y installeraient étant donné que le logement y est beaucoup moins cher qu’en Colombie-Britannique et en Ontario ».
La crise du logement carabinée au Canada pousse et poussera de plus en plus la population vers les territoires où le logement est le moins inabordable (chez nous).
Le Québec aura beau planifier les seuils d’immigrants internationaux aussi soigneusement qu’il veut, il ne contrôle aucunement la migration interprovinciale. Ces immigrants ont d’ailleurs, le plus souvent, accès à l’école anglaise et à l’ensemble des services de l’état en anglais chez nous. Si aucune étude, à ma connaissance, ne s’est penchée spécifiquement sur leur « francisation », il y a fort à parier que celle-ci est minuscule (quelques % tout au plus).
Face à cela, pour sauver le français au Québec, il faudra ramener la « clause Québec » à l’école, dans les services publics, dans les cégeps et universités, de toutes les façons possibles.
Le ministère de l’éducation s’est livré récemment à un exercice quantitatif de prévision de la main-d’œuvre dans le réseau de l’éducation publique. On apprend premièrement (avec stupeur) qu’il s’agit du premier exercice du genre en 20 ans. Est-ce à dire que le réseau a navigué radar fermé, au gré du vent, pendant tout ce temps? On peut le penser. Le résultat, du moins la partie publique, de l’exercice de prévision de nombre de professeurs requis pour la période 2025-2026 se trouve ici.
Le premier facteur responsable de la pénurie annoncée de 14 230 professeurs pour les 4 prochaines années serait les départs à la retraite (voir p. 17), suivi, en deuxième position, de la « hausse des effectifs scolaires », hausse due presque entièrement à l’immigration.
Ce qui attire mon attention dans cet exercice de prévision est la forme de la courbe de la hausse des effectifs scolaires (voir figure 1). Hausse de 971 860 élèves à 984 838 élèves de 2021 à 2023 (soit 12 978 élèves en deux ans) et après, effectif quasi constant sur toute la période 2023-2036 (pendant 13 ans), oscillant entre 986 022 et 982 686.
Figure 1
J’ai obtenu les données d’effectifs des écoles publiques du ministère de l’éducation pour la période 2017-2021 (voir figure 2). On peut constater, à la figure 2, que l’effectif est passé de 939 144 en 2017 à 1 004 777 en 2021, soit une croissance de 65 633 élèves en 5 ans seulement.
Figure 2
On constate, en comparant les figures 1 et 2, que l’effectif réel en 2021 (1 004 777) est supérieur à celui indiqué sur les projections pour 2023 (984 838). Il y aurait donc une baisse des effectifs de 19 939 en deux ans, alors que celui-ci monte de 13 126 par année sur toute la période précédente.
Encore plus troublant, l’effectif serait stable sur la période 2023-2036 (voir figure 3), ce qui est en rupture totale avec les tendances récentes. Il demeurerait stable malgré la hausse vertigineuse de l’immigration temporaire (il y a au-dessus de 350 000 immigrants temporaires au Québec), malgré la hausse annoncée des seuils d’immigration permanente (la CAQ désire passer de 50 000 à quelque 80 000/an), sans mentionner les demandeurs d’asile.
Figure 3
A mon avis, ces projections démographiques ne valent pas grand-chose et sous estiment grandement la hausse à venir des effectifs scolaires, hausse propulsée par une immigration massive.
Il y a fort à parier que l’immigration soit un facteur important, peut-être même le facteur numéro un, responsable de la pénurie future de professeurs dans le système d’éducation publique québécois.
André Pratte aime polémiquer. Récemment, il s’en prenait à mon texte « L’anglicisation de Laval » en prétendant y apporter des « nuances ». A mon avis, ses « nuances » relevaient d’une tentative d’enfumage rhétorique afin de tenter de cacher l’anglicisation galopante de la troisième ville du Québec. Ensuite, celui-ci a répliqué à Mathieu Bock-Côté qui soulignait que Balarama Holness, qui recueille un appui non négligeable en tant que chef potentiel du PLQ (quoique qu’il ne soit pas candidat déclaré), misait explicitement sur les changements démographiques entrainés par l’immigration massive pour que le PLQ, à seulement 5% d’appui chez les francophones, se rapproche du pouvoir avec le temps. Outre les questions de fond soulevées par ces polémiques, l’on comprend que celles-ci sont une façon pour le PLQ de tenter de grapiller un peu de visibilité médiatique. Néanmoins, les affirmations de M.Pratte, emblématiques du discours d’une certaine élite soumise à Ottawa, ne doivent pas, à mon avis, rester sans réponse.
Dans son dernier texte dans le JdeM, M. Pratte écrit que si le PLQ « prône une hausse raisonnable de l’immigration afin de combler les besoins de main-d’œuvre », il n’appuierait cependant pas les propositions du « Century Initiative » fédéral, soit la cible de 100 millions d’habitants au Canada pour 2100.
La pénurie de main-d’œuvre et l’immigration
L’insistance à évoquer, avec un sans gêne confondant, la « pénurie de main-d’œuvre » pour justifier les hausses constantes des seuils d’immigration est plus que suspecte. D’abord parce que cette idée simpliste de « l’immigration, solution à la pénurie de main-d’œuvre » a maintes fois été démolie (par exemple, par l’économiste Pierre Fortin). Ensuite parce qu’avec le rythme actuel d’immigration au Canada, celui-ci est en très bonne voie d’atteindre 100 millions d’habitants en 2100. Les dernières projections démographiques de Statistique Canada indiquent que la population atteindra 74 millions en 2068 dans le scénario de forte croissance (les projections n’ont pas été faites jusqu’en 2100, sans doute un simple hasard). Or, le volume d’immigration prévue par le scénario de « forte croissance » est inférieur de moitié au nombre record de plus de 1 million de nouveaux arrivants (1 050 110) qui se sont installés au Canada en 2022 seulement. Si l’immigration était la solution à la pénurie de main-d’œuvre, on le saurait!
Le Canada « fait sans dire » c’est-à-dire qu’il applique les recommandations du Comité Barton (ou McKinsey) et la politique du Century Initiative même si le premier ministre Trudeau nie que ce soit le cas. Aussi étonnant que cela puisse sembler, il arrive que des politiciens ne disent pas la vérité. En immigration, cela est le cas, et autant pour le Canada de Justin Trudeau que pour le Québec de François Legault; sur cette question, les deux font dans le double jeu.
En proposant de hausser les niveaux d’immigration (à 70 000 immigrants permanents), le PLQ ne fait que suivre docilement le grand frère fédéral et avalise tacitement les propositions du Century Initiative. C’est le cas aussi pour la CAQ, qui a sur la table une proposition pour hausser les seuils à un nombre inconnu en déplafonnant le PEQ (80 000/an? 100 000/an? on ne sait pas). Reste qu’à 154 373 immigrants en 2022, le Québec a déjà un des volumes d’immigration les plus élevés au monde. Ce niveau, qui est plus du double de celui évoqué par le PLQ, illustre, par l’absurde, la nécessité d’inclure les immigrants « temporaires » dans toute discussion rationnelle portant sur l’immigration.
Les projections démographiques
M. Pratte affirme ensuite que selon les projections de Statistique Canada « même dans le cas d’une immigration beaucoup plus nombreuse qu’aujourd’hui, les immigrants et résidents non permanents ne représenteraient toujours que 27% de la population totale du Québec en 2041, contre 23% sous un scénario de faible immigration. » Première remarque, pour un démographe, cette variation de 23 à 27% est loin d’être négligeable. Et ces chiffres proviennent d’une projection de Statistique Canada effectuée en 2016, soit tout juste avant les hausses records de volumes d’immigrants qui ont eu lieu après la prise du pouvoir par les libéraux fédéraux en 2015. Le scénario « forte immigration » de ces projections est très inférieur au volume d’immigrants actuel. Notons aussi que Statistique Canada semble avoir sous-estimé le nombre d’immigrants temporaires présents au Canada de 1 million, ce qui force la question à savoir ce que valent ces projections. Quoi qu’il en soit, ces projections, effectuées avec des chiffres dépassés, sont caduques. Quels sont les bons chiffres alors? On ne le sait pas.
L’argument voulant que « des projections publiées par l’Office québécois de la langue française démontrent que même si les immigrants choisis par le Québec parlaient tous français à leur arrivée – c’est l’objectif du gouvernement Legault – cela ne changerait pas grand-chose aux grands indicateurs démolinguistiques. Le français langue maternelle continuerait de diminuer lentement – c’est le fait inexorable de la faible natalité chez les Québécois dits « de souche ».
M. Pratte nous parle de la langue maternelle (un indicateur qui reflète la vitalité passée) et « oublie » de mentionner la langue parlée le plus souvent à la maison (la « langue d’usage », soit l’indicateur qui reflète la vitalité future). S’il est exact de dire que le poids démographique des francophones au Québec (langue maternelle ou langue d’usage) va diminuer même avec une immigration 100% francophone, accueillir une telle immigration 100% francophone est tout de même le scénario qui ferait reculer le français le moins rapidement (voir p. 30).
Et le lent déclin du français n’est pas d’abord dû à la « faible natalité chez les Québécois dits « de souche » » (bonjour la tentative de culpabilisation!), mais aux transferts linguistiques massifs des immigrants allophones vers l’anglais au Québec. Mais M. Pratte, simple hasard sans doute, « oublie » aussi de nous parler des transferts linguistiques.
Comme je le relevais dans mon billet sur ce sujet : « pourquoi ce déclin du français malgré une immigration 100% francophone »? La raison majeure est bien sûr les transferts linguistiques des immigrants allophones effectués en surnombre vers l’anglais. Car « l’anglais jouit au Québec d’une vitalité supérieure à celle du français. Le milieu de vie, à Montréal, est anglicisant. Les immigrants allophones déjà présents au Québec effectuent donc en surnombre des transferts linguistiques vers l’anglais (43,3% en 2021), ce qui augmente la taille de la communauté anglophone, constituée aujourd’hui non plus des descendants des conquérants britanniques, mais d’une majorité d’allophones anglicisés. »
La natalité des Canadiens anglais est encore plus faible que celle des Québécois et, pourtant, il n’y a nulle inquiétude sérieuse sur le déclin de l’anglais au Canada, les immigrants effectuant éventuellement des transferts massifs vers l’anglais comme langue parlée à la maison (à 99%).
La « connaissance » ou le « gaslighting » fédéraliste
La vitalité d’une langue est déterminée par son usage au quotidien, à la maison et au travail. Que M. Pratte puisse écrire, en contradiction totale avec les conclusions des démographes et des démolinguistes, que, parmi tous les indicateurs linguistiques « l’élément le plus important » serait « la connaissance du français » prouve à quel point celui-ci fait dans la désinformation. Répéter une fausseté mille fois n’en fait pas une vérité. En continuant de colporter « la connaissance » comme indicateur suprême, le naufragé intellectuel Pratte touche le fond.
L’effet des changements démographiques
Quant à l’impact probable des changements démographiques sur le destin politique du Québec français, M. Holness ne fait que dire tout haut ce que tout le monde sait déjà.
Le dernier sondage Léger, par exemple, indique que seulement 12% des non francophones (note : il est malheureux que les allophones soient ainsi amalgamés avec les anglophones) appuient la souveraineté du Québec contre 81% qui sont contre. Chez les francophones, l’appui est à 44% et les contre sont à 44% également. Du point de vue fédéral, il est évident qu’augmenter le plus possible la proportion de non francophones dans la population du Québec est une police d’assurance contre un OUI à un futur référendum portant sur la souveraineté du Québec. Comme dans le cas du Century Initiative, les fédéralistes « font sans dire ». Cela ne relève pas d’une quelconque « théorie du complot », mais du déploiement de la raison d’État canadienne.
René Lévesque nous avertissait déjà, dans le JdeM du 1er mai 1972, des effets politiques de l’instrumentalisation de l’immigration par Ottawa, en commentant les résultats du recensement de 1971: « D’autre part, ici même à l’intérieur, la moindre augmentation du pourcentage anglophone, si faible soit-elle à première vue, ne peut que réduire d’autant la marge de décision démocratique de la majorité. Un cinquième du total, c’est énorme. Chaque addition a un effet d’entraînement qui, dans le grand Montréal surtout, pourrait finir par rendre politiquement irréalisable tout aspiration nationale du Québec français. »
Le recensement de 1971 avait montré une chute de 0,5% du poids des francophones au Québec. Cette chute a été trois fois plus importante entre 2016 et 2021. Que dirait-il aujourd’hui? Peut-être quelque chose du genre « vous êtes pas écoeurés de mourir »?
L’ex-sénateur André Pratte, ex-éditorialiste et maintenant coprésident du « Comité sur la relance du Parti libéral du Québec », me fait l’honneur de répliquer à un billet de blogue intitulé « L’anglicisation de Laval » paru récemment sur mon site ouèbe. Billet où je fais le tour de certains indicateurs linguistiques issus du recensement canadien et où je démontre qu’à Laval, troisième ville en importance au Québec, depuis 20 ans, l’anglais avance tandis que le français recule. En 20 ans, les effectifs relatifs du groupe francophone en fonction de la langue parlée le plus souvent à la maison ont ainsi fondu de 20% tandis que ceux du groupe anglophone ont augmenté de 48,7%. Voilà qui invalide le discours de ceux qui prétendent encore que « le français recule, oui, mais l’anglais aussi ».
M. Pratte affirme que le portrait que je brosse « nécessite quelques nuances ». Quelles sont ces nuances? Il affirme d’abord que « j’ignore certaines données encourageantes » et dégaine qu’à Laval, la « connaissance du français » est « stable » à « plus de 92% ». Première remarque : ce taux de connaissance était de 92,9% en 2016 et de 92,1% en 2021, une chute de 0,8 points donc et non pas une « stabilité ». Parallèlement, la proportion des Lavallois qui connaissent seulement l’anglais a augmenté de 0,7 points durant la même période. Et si on compare sur une plus longue période, en 2001, ce taux de connaissance du français à Laval était de 95,4% (chute de 3,3 points en 20 ans). Quant à la connaissance de l’anglais seulement, elle était de 3,3% la même année (augmentation de 2,5 points depuis). Ces chiffres montrent un déclin significatif de la connaissance du français et une augmentation de l’unilinguisme anglais depuis 2001. Les propres « données encourageantes » que propose M. Pratte ne le sont pas.
Notons aussi que l’indicateur de « connaissance » d’une langue résulte d’une auto-évaluation de la compétence, un processus affecté par la complaisance et la tendance bien humaine à se peindre dans la meilleure lumière possible. Il est démontré que l’image que les gens se font d’eux-mêmes et de leurs habiletés n’ont généralement qu’un « lien ténu avec la réalité » et est souvent entachée d’un « optimisme irréaliste » (voir Dunning et al., « Flawed self-assessment: Implications for Health, Education and the Wordplace », PSPI). Par exemple, l’auto-évaluation du niveau d’intelligence d’une personne n’a « qu’une vague corrélation (0,3) avec l’intelligence mesurée par un test objectif ». Le chercheur Charles Castonguay a écrit un excellent article démontrant les limites -nombreuses- de l’indicateur de connaissance d’une langue. Un simple changement de question suffit, par exemple, à faire fondre le taux de connaissance auto-évalué de 13%. Cet indicateur n’est pas robuste et les données obtenues grâce à cette question sont donc « au mieux rudimentaires » (p.18, Marc Termote « Nouvelles perspectives démolinguistiques du Québec et de la région de Montréal 2001-2051 », OQLF). De plus, la vitalité d’une langue est liée à son usage réel et non pas à sa connaissance. Se baser sur l’indicateur de connaissance pour affirmer que le français va bien et pour « nuancer » un portrait brossé à l’aide de données beaucoup plus robustes n’est donc pas très sérieux.
Même si M. Pratte met au pluriel « données encourageantes », je n’en trouve pas d’autres dans son texte. Il affirme bien que la baisse de certains indicateurs relatifs « pourrait s’expliquer par la migration interrégionale des francophones » mais cette théorie pas convaincante du tout est copieusement servie à tous ceux qui s’inquiètent du déclin du français depuis au moins une vingtaine d’années. Pas convaincante parce que de 2016 à 2021, le français a reculé dans toutes les régions métropolitaines de recensement au Québec (incluant celle de Saguenay!) et a reculé aussi globalement de 1,5 points au Québec. Si la baisse à Laval résultait d’un effet de déplacement de populations, alors une hausse équivalente devrait logiquement s’enregistrer quelque part. Ce n’est pas le cas.
M. Pratte écrit que « la valeur des transferts linguistiques comme indicateur est contestée ». Ah bon? La robustesse de cet indicateur est tellement « contestée » qu’une question portant sur la langue parlée le plus souvent à la maison a été rajoutée lors du recensement de 1971 suite à une suggestion de la commission Laurendeau-Dunton (la plus importante commission portant sur la langue jamais tenue au Canada; des centaines de chercheurs mobilisés pendant presque une décennie) afin de pouvoir mesurer l’assimilation courante, c’est-à-dire le décalage entre la taille d’une population d’une certaine langue maternelle et le nombre de ceux qui utilisent cette langue le plus souvent à la maison. L’ajout de cette question a permis de mesurer au début des années soixante-dix le taux d’assimilation -déjà consternant- des francophones hors-Québec ce qui a aidé à faire adopter la Loi sur les langues officielles fédérale qui accordait pour la première fois dans l’histoire du Canada un statut juridique conséquent au français (ce qui n’a nullement arrêté l’assimilation des francophones, mais c’est une autre histoire). En réalité, cet indicateur des transferts linguistiques est contesté seulement par ceux qui n’aiment ce qu’il nous apprend et qui souhaiteraient revenir à la grande noirceur démolinguistique pré-1971.
Quant au lyrisme dans lequel enveloppe M. Pratte sa défense de l’anglais comme langue de travail à Laval sous prétexte qu’on ne construit pas de « Couche-Tard ou de CGI » en « refusant de parler anglais » cela relève de l’échappatoire rhétorique. On sait d’abord que l’usage de l’anglais au travail est bien corrélé avec la langue parlée le plus souvent à la maison (les francophones travaillent surtout en français et les anglophones en anglais, voir Statistique Canada, « Parlant de travail : les langues de travail à travers le Canada) et avec la langue des études (aussi postsecondaires, d’où la nécessité absolue de la loi 101 au cégep); la hausse de l’anglais au travail s’explique bien plus par le déclin de la proportion de francophones que par une quelconque mondialisation exigeant l’anglais à Laval (CGI n’a même pas de bureau à Laval!). De 2016 à 2021, l’anglais a d’ailleurs fait des gains dans l’ensemble des secteurs d’activités, allant de la construction aux administrations publiques. Enfin, l’OQLF a démontré en 2020 que l’anglais était souvent exigé à l’embauche au Québec pour des « fins de communication interne », c’est-à-dire afin d’accommoder les anglophones travaillant déjà en anglais à l’interne à qui on ne veut pas imposer de devoir travailler en français. L’accommodement linguistique est souvent unidirectionnel.
Statistique Canada publiait pas plus tard que le 22 août dernier une étude prouvant qu’au Québec, comme dans l’ensemble du Canada, l’anglais avançait maintenant sur tous les plans (connaissance, première langue officielle parlée, langue maternelle, langue parlée à la maison, langue utilisée au travail). Qui plus est, 36% des « anglophones » présent au Québec selon la première langue officielle parlée sont nés à l’extérieur du Canada (et seulement 53% des anglophones sont nés au Québec!). En clair, l’immigration internationale et interprovinciale (provenant surtout de l’Ontario) est en train de gonfler rapidement les rangs de la communauté anglophone du Québec.
Finalement, M. Pratte, en se basant sur ce qui se passe à Laval, nous annonce que le Québec de demain sera à la fois « francophone » et « bilingue ». L’utilisation du terme « bilingue » évoquant spontanément, instinctivement, une égalité des langues, relève ici de l’enfumage rhétorique. Il serait plus exact de dire que le Québec que la situation à Laval nous annonce sera de moins en moins français et de plus en plus anglais et que le bilinguisme sera, comme en témoigne la hausse continue de l’unilinguisme anglais à Laval, de plus en plus le fardeau des seuls francophones (comme partout au Canada).
Ce texte de M. Pratte est emblématique du naufrage intellectuel d’une bonne partie des fédéralistes Québécois, qui sont incapables de sortir d’un Canada fantasmé pour voir le Canada réel, un pays qui a mis de côté les Québécois comme « peuple fondateur » en 1982 et où le français est en train de s’échouer d’un océan à l’autre.