Les programmes en anglais gagnent du terrain à HEC Montréal

« Le chercheur indépendant Frédéric Lacroix estime que l’enseignement supérieur est l’un des principaux vecteurs d’anglicisation du Québec. Il déplore qu’un établissement francophone comme HEC Montréal doive augmenter son offre de formations en anglais pour concurrencer ses rivales anglophones.

« La langue des études terminales a un impact énorme sur la langue de travail », dit l’auteur de Pourquoi la loi 101 est un échec, publié en 2020, qui a remporté le prix du président de l’Assemblée nationale remis à l’essai politique de l’année.

Le chercheur note que la déréglementation des droits de scolarité des étudiants étrangers, décrétée en 2018 par le précédent gouvernement libéral, encourage les universités à recruter davantage à l’international. Les étudiants étrangers rapportent gros : les droits de scolarité pour les programmes courts à HEC Montréal s’élèvent à 11 400 $ pour les étudiants venus d’ailleurs, comparativement à 2300 $ pour les Québécois.

Le MBA en anglais, lui, coûte 60 000 $ aux étudiants étrangers. Environ 40 % des personnes qui y sont inscrites proviennent de l’étranger, indique HEC Montréal. Trois étudiants sur dix à ce programme de deuxième cycle en anglais sont déjà résidents permanents ; le reste a la citoyenneté canadienne. Ce MBA en anglais est offert en présence à Montréal, au nouveau campus de HEC Montréal au centre-ville, à compter de l’automne 2023.

Statistique Canada a démontré en 2021 que la moitié des étudiants étrangers deviennent résidents permanents, rappelle Frédéric Lacroix. Ces étudiants dits « internationaux » n’ont pas l’obligation d’apprendre le français durant leurs études.

Pour accorder par la suite la résidence permanente, Québec exige « la connaissance du français, mais non l’usage du français », rappelle le chercheur. Il estime que les étudiants étrangers ne devraient pas accéder à la résidence permanente au Québec s’ils sont incapables de faire « usage » du français dans leur vie de tous les jours. »

https://www.ledevoir.com/societe/education/791788/education-les-programmes-en-anglais-gagnent-du-terrain-a-hec-montreal

Hommage à Frédéric Bastien

Frédéric Bastien est mort. Ces mots couchés sur le papier me semblent irréels, obscènes. Nous nous étions parlé moins d’une semaine avant son décès. Nous échangions régulièrement sur toutes sortes de sujets touchant le Québec. Frédéric et moi étions sensiblement du même âge, avec des parcours différents mais semblables, unis par la passion du Québec et la haine de l’injustice et du sort qui nous est collectivement réservé au Canada.

Il préparait une chronique sur le surfinancement des institutions anglaises au Québec. Elle ne verra jamais le jour. Dans la foulée, je lui avais suggéré d’écrire un texte sur André Laurendeau, l’homme qui a fait le pari du Canada bilingue avec la commission Laurendeau-Dunton dans les années soixante, et qui pensait que le Québec pourrait s’épanouir dans un Canada bilingue. On comprend aujourd’hui, l’actualité nous le souligne à gros traits chaque jour qui passe, que Laurendeau a perdu son pari. Il est mort avant la fin de la commission qui porte son nom, laissant un vide immense dans le monde intellectuel québécois. Cette chronique sur Laurendeau ne verra jamais le jour non plus. Comme tant d’autres chroniques qu’il avait en lui. Si Frédéric Bastien laisse un héritage intellectuel important, on comprend qu’il ne faisait que commencer. On reste étourdi, hébété devant l’idée de ce dont sa mort précoce nous a privés collectivement.

Si, dans ses chroniques, il savait frapper fort et juste et mettre en lumière ce que plusieurs préfèreraient garder caché, c’est dans son action militante qu’il occupait un créneau unique dans le mouvement nationaliste. Sa capacité sidérante à s’opposer au régime canadien à lui tout seul, son don pour « retourner les statues pour voir les vers qui grouillent » nous a fait comprendre que le régime canadien est un colosse aux pieds d’argile, un colosse marqué par une profonde illégitimité. A cet égard, son livre « La bataille de Londres », où il démontre noir sur blanc qu’Ottawa a violé une règle de base en démocratie (la séparation des pouvoirs) afin d’arriver à ses fins (rapatrier la Constitution et annexer une Charte des droits qui lui permette de charcuter la loi 101), est une grande œuvre. Le Canada né en 1982 est un pays marqué par une illégitimité fondamentale. Frédéric Bastien l’a prouvé.

Son combat contre les juges partisans nous a aussi fait voir qu’un des moyens majeurs de domination d’Ottawa sur le Québec est son contrôle de l’institution juridique. Bastien nous a fait comprendre qu’avec son pouvoir de nomination de juges fidèles et acquis au régime, c’est toute la séparation des pouvoirs entre le juridique et l’exécutif qui tient largement de la fiction au Canada, surtout quand vient le temps de combattre le Québec.

A lui seul, Bastien a fait plus pour mettre en lumière la « question du régime » comme il l’appelait, que les gouvernements du Québec depuis des décennies.

Avec son courage, sa fermeté, sa capacité à maintenir le cap, souvent seul, durant des années, guidés par des principes, avec des moyens dérisoires ou inexistants, cet homme avait indubitablement quelque chose de gaulliste.

Il me manquera. Et je pense qu’il nous manquera aussi.

Immigration: La question du nombre est fondamentale

A écouter certains commentateurs, dans l’actuel débat portant sur l’immigration, la question du volume d’immigrants reçus annuellement serait tout à fait accessoire, il suffirait de faire preuve de volontarisme, de « franciser », d’investir les budgets nécessaires, et le tour serait joué. Discuter des seuils serait odieux, suspect, voire nauséabond.

Cette vision des choses est marquée fortement au coin de la pensée magique et de l’irréalisme. Si les investissements en francisation sont une bonne chose, ne nous méprenons pas, ils ne sont pas suffisants afin de garantir l’intégration.

Car la démolinguistique a fermement établi que la concentration spatiale des locuteurs d’une langue influe sur sa vitalité et donc, sur son avenir démographique. L’on sait par les données de recensement, par exemple, que la connaissance de l’anglais ou du français par les allophones au Canada est fortement influencée par la concentration spatiale des locuteurs de chaque langue.

Ainsi, alors que pour l’anglais, une faible concentration d’anglophones (20%) suffit à rendre sa connaissance quasi universelle chez les allophones, ce n’est pas vrai pour le français qui a besoin d’une très forte concentration de francophones (80%) pour arriver au même résultat (voir les figures 7.3 et 7.4). Ceci est une illustration de la disproportion énorme des rapports de force entre l’anglais et le français au Canada.

Au Québec, le rapport de force entre l’anglais et le français, si on le calcule à partir des ratios des transferts linguistiques des allophones, est de dix pour un en faveur de l’anglais.

Cela découle du statut de province canadienne du Québec, province soumise à la Loi sur les langues officielle fédérale où le français est une langue sur deux. Au Canada, l’usage de l’anglais est imposé presque partout au travail, à l’école, dans les universités, dans les relations entre les citoyens et les divers ordres de gouvernement, etc. D’où sa force.

Le débat sur l’intégration des immigrants illustre une fois de plus à quel point la notion « d’usage » d’une langue est importante. Car une langue s’impose par l’usage et non par la simple connaissance.

Pour imposer l’usage, une fréquence élevée d’interactions est nécessaire. Ceci exige une certaine concentration spatiale de locuteurs, ce qui force un nouvel arrivant à faire usage de cette langue au quotidien. C’est l’usage qui permet d’imposer la connaissance et non l’inverse. Et c’est l’usage du français qui permet d’orienter les transferts linguistiques des allophones vers le français. Si la connaissance du français peut prédisposer à cela, elle est loin d’être suffisante. Ainsi, un allophone connaissant le français va finir par s’intégrer au groupe anglophone si son usage de l’anglais est dominant (au travail, au cégep ou à l’université par exemple).

Pour contrecarrer le bilinguisme compétitif qui est au cœur de la Loi sur les langues officielles et qui est aussi le fait, malgré les dénégations, de la politique linguistique québécoise (voyez par exemple toute la question du financement de l’enseignement supérieur au Québec), un minimum de 80% (voire 90%) de francophones est requis dans une région donnée afin que les transferts linguistiques des allophones se fassent majoritairement vers le français (voir fig. 7.7).

Ce résultat, basé sur les données de recensement, est d’une grande portée.

Il signifie que l’intégration des allophones au groupe francophone se fait de plus en plus difficilement lorsque le poids démographique des francophones chute en dessous de 80% environ dans une région donnée.

Dans le contexte de forte immigration qui est le nôtre, le poids démographique relatif des francophones au Québec est en recul depuis une vingtaine d’années. Entre 2016 et 2021, il a reculé dans 81 des 100 municipalités régionales de comté. A Montréal, les francophones sont minoritaires selon la langue maternelle et le seront aussi bientôt en fonction de la langue d’usage.

Un trop grand volume dans une région donnée, ou bien une baisse de la proportion du poids démographique des francophones en bas de 80-90%, va contrecarrer à l’intégration des allophones au groupe francophone. C’est ce que l’on voit déjà se produire dans toute la grande région de Montréal.

Le volume d’immigration, qui affecte directement le poids démographique relatif des francophones, est donc une des questions centrales du débat sur l’immigration. Pour que l’intégration des allophones se fasse, le volume d’immigration ne devrait pas dépasser la capacité d’intégration dans une région donnée. Cette capacité d’intégration pourrait être définie comme étant le seuil qui permet de maintenir, à terme, un poids démographique relatif de francophones en haut de 80%.

Notre capacité d’intégration actuelle (qui est faible) est intimement liée à la timidité de notre politique linguistique et au refus de mettre en places des mesures « costaudes ».

Pour augmenter notre capacité d’intégration, il faudrait déployer des stratégies pour renforcer l’usage du français (et non pas seulement sa connaissance). Par exemple : refondre la Loi sur les langues officielles pour reconnaitre le Québec comme un état ayant une seule langue officielle (ce qui conditionnerait l’obtention de la citoyenneté par exemple), imposer la loi 101 au cégep et à l’université, limiter l’usage de l’anglais comme langue de travail dans une bonne partie du réseau de la santé à Montréal, etc.

En conclusion, les politiques publiques doivent être conçues à partir de la réalité. Certains commentateurs l’ont manifestement oublié.

Sources des figures : https://espace.inrs.ca/id/eprint/6347/1/Sabourin-P-D-Mai2017.pdf?fbclid=IwAR0H4bRfn_lNa2RZjsTZyZj_KBUclzFj9rK_840yOF554Y6Xj2R0fNOaiWQ

Le sous financement des francophones en sciences : le résultat d’une discrimination?

Il y a plus de 100 ans, des pionniers, dont au premier chef Conrad Kirouac, mieux connu sous le nom du « Frère Marie-Victorin » avaient réalisé que pour survivre dans le monde moderne, le Québec français devait mieux et plus valoriser la science. Dans un texte magnifique publié dans le Devoir le 25 septembre 1925, au titre programmatique de « La province de Québec, pays à découvrir et à conquérir », Kirouac dressait un véritable programme de reconquête économique. Ce programme passait d’abord et avant tout par l’avancement des connaissances, de la science, substrat de la révolution industrielle qui faisait rage partout et qui, au Québec, était aux mains des anglais ou des américains : « Étrangers dans cet univers, oui, et, par voie de conséquence, éminemment étrangers dans notre patrie. Ne devenons-nous pas de plus étrangers au développement économique de cette terre québécoise qui est nôtre? Si on ne nous conteste plus la propriété foncière d’une partie de la vallée du Saint-Laurent, si on nous concède volontiers pour l’avenir le pénible grattage agricole des gneiss laurentiens, avec la pleine jouissance du muskeg subarctique de l’Abitibi, pas contre tout ce qui vaut réellement, tout ce qui compte sur l’heure, tout ce qui multiplie la richesse est aux mains des autres ». «C’est par la recherche que nous finirons par exister comme peuple» affirmait même l’un des premiers présidents de l’Association francophone pour le savoir, l’ACFAS, qui tient son congrès annuel ces jours-ci. On ne saurait mieux résumer l’esprit qui animait ces visionnaires.

Aussi faut-il se pencher attentivement sur l’état du français en sciences et, en particulier, sur les tendances du financement de la recherche en français. Pour la première fois, des données extensives provenant des trois principaux organismes subventionnaires fédéraux (IRSC, CRSH, CRSNG) ont été compilées sur une période de 30 ans.

Les résultats indiquent que nous assistons à un recul généralisé de l’usage du français comme langue de publication, comme langue de rédaction des mémoires et thèses et comme langue de soumission des demandes de financement.

Une donnée m’a particulièrement interpellée : soit celle prouvant qu’une demande effectuée en français aux IRSC a significativement moins de probabilité de succès (29,2%) qu’une demande effectuée en anglais (38,5%). C’est la première fois, à ma connaissance, que l’on établit de façon aussi claire que l’usage du français lors d’une demande de subvention à Ottawa diminue significativement la probabilité de succès du demandeur.

Il n’est donc pas surprenant d’apprendre que dans les 15 dernières années, seulement 7,06% des demandes financées aux IRSC, l’un des plus importants organismes subventionnaires fédéral, ont été rédigées en français. Les chercheurs ont parfaitement intégré le massage; l’usage du français en sciences leur ferme des portes.

Ce décalage de performance entre anglophones et francophones se traduit par une différence énorme en termes d’argent versé aux uns ou aux autres. Ainsi, sur la période 2019-2022, 98% des fonds des IRSC, 81% des fonds des CRSH et 96% des fonds du CRSNG ont été versés à des projets anglophones. Ce qui se traduit par 8,11 milliard de dollars pour les projets anglophones comparativement à seulement 0,42 milliard de dollars pour les projets francophones (4,9%). Le surfinancement des anglophones est donc absolument massif et l’usage du français en sciences équivaut souvent à une forme de suicide professionnel.

Alors que l’on nous affirme depuis longtemps que si les universités anglaises au Québec sont surfinancées (McGill, par exemple, dispose de 148% de plus de fonds par étudiant que l’UQAM et obtient 30% du financement en recherche versé par Ottawa au Québec), c’est parce qu’elles seraient « excellentes » et donc qu’il serait vain, contre-productif et injuste de remettre en question la répartition des fonds entres anglophones et francophones, ce que ces données prouvent, c’est qu’Ottawa favorise massivement les anglophones et pénalise l’usage du français en sciences au Canada.

Mais pas seulement son usage. Ainsi, si un francophone rédige une demande en anglais, son taux de succès se rapproche de celui des anglophones, tout en restant inférieur à celui-ci, l’écart résiduel entre les deux étant statistiquement significatif (p<0.05).

Face à ces résultats, il y a donc trois explications possibles, soit que : 1) les demandes en français ou provenant de francophones sont objectivement moins bonnes que celles en anglais, 2) il y a une discrimination directe en fonction de la langue, et 3) il y a une discrimination qui s’exerce à l’encontre des francophones, peu importe la langue de rédaction.

Si on exclut l’hypothèse, douteuse à mon avis, que les francophones seraient tout simplement moins bons en science, généralement, que les anglophones, il me semble que les données indiquent que le facteur principal à l’œuvre serait une discrimination directe en fonction de la langue de rédaction, suivi d’une discrimination exercée à l’encontre des francophones, peu importe la langue de rédaction.

Il est également possible qu’il y ait une perception générale au Canada à l’effet qu’une demande soit moins bonne, non en vertu de sa qualité objective, mais simplement parce qu’elle est rédigée en français ou par un francophone. La plus faible valeur symbolique de cette langue serait donc un handicap important pour ceux qui choisissent tout de même de l’utiliser (ou de l’avoir comme langue maternelle!).

Cela fait penser aux trouvailles de la Commission Laurendeau-Dunton dans les années soixante sur le revenu moyen au Québec en fonction de la langue de travail et de l’origine ethnique qui avaient permis de conclure à l’existence d’une double discrimination au Québec; l’une s’exerçant en fonction de la langue de travail (ceux qui travaillaient en français gagnaient moins que ceux qui travaillaient en anglais) et une autre s’exerçant en fonction de l’origine ethnique (les francophones gagnaient moins, même s’ils travaillaient en anglais!). Bien sûr, à l’époque, on pouvait au moins pointer du doigt la plus faible scolarisation des francophones comparativement aux anglophones pour expliquer au moins une partie de cet écart. Aujourd’hui cependant, tous les demandeurs (ou presque), francophones ou anglophones, aux IRSC ont au moins l’équivalent du doctorat. Si c’est réellement « par la recherche que nous finirons par exister comme peuple », alors on peut dire que notre existence même est menacée par les politiques de financement actuelles. Près de 100 ans plus tard, le programme dressé par frère Marie-Victorin reste donc d’actualité.

La maison de mon père

« La maison de mon père » est le deuxième livre d’Akos Verboczy, auteur qui s’était déjà distingué avec « Rhapsodie québécoise » en 2016, livre dans lequel il racontait, avec humour, subtilité et intelligence, son parcours d’immigrant Hongrois en terre québécoise, son parcours « d’enfant de la loi 101 ». Il nous revient aujourd’hui avec non pas un essai mais un roman qui constitue le pendant de son premier livre.

La première scène s’ouvre avec le retour au pays du fils pour les funérailles du père, où, en guise d’enterrement, les cendres du père sont simplement chargées dans un canon qui les disperse sur une pelouse au son de « l’Hiver » de Vivaldi. On ne pourrait illustrer plus brutalement le bris avec les traditions et le refus de la transmission, cette dispersion des cendres empêchant le fils de se recueillir sur la tombe de son père pour faire la paix avec son passé. L’auteur erre donc, tel une sorte de juif errant, à la recherche de la « maison de son père ». Un thème fort qui interpelle tous ceux, et ils sont nombreux, à être marqués du sceau de l’absence de la figure du père.

D’un roman qui commence comme un « Bildungsroman » divertissant et assez comique, l’auteur nous entraîne progressivement, sans qu’on s’en aperçoive vraiment, dans les profondeurs d’une histoire familiale tourmentée. Cette histoire familiale somme toute à la fois banale (un père alcoolique et absent, une mère monoparentale qui en arrache) et extraordinaire (la deuxième guerre mondiale, les grands-parents qui fuient l’armée russe, le judaïsme caché et souterrain pour survivre) est sublimée, rehaussée par une foule de détails, de détours, d’observations et une grande subtilité psychologique. Par exemple, au détour d’une page, une fine allusion à « Die Welt von gestern », « Le monde d’hier : souvenirs d’un européen », l’autobiographie et testament littéraire de Stefan Zweig (auteur autrichien qui a décrit avec nostalgie la destruction de l’Europe de la culture durant la deuxième guerre mondiale). Le talent de l’auteur permet ici au particulier de toucher à l’universel.

La finesse. C’est bien le qualificatif qui me vient en tête à la lecture de la prose de M.Verboczy. La finesse de l’écriture d’un. L’écriture est souple, fine, et le propos, sérieux, dramatique et même parfois grinçant est porté par un humour qui allège sans trahir. La finesse d’approche de deux, le roman étant construit par petites touches pour nous entrainer là où on ne s’y attend pas.

Il s’agit d’un livre sur l’exil et sur ses conséquences. Mais de ses conséquences d’abord et avant tout sur « ceux qui restent ».

A lire!

https://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/livres/maison-mon-pere-3973.html

L’éléphant dans la pièce

Mais là où je diffère d’opinion, c’est sur la cause de la chute des effectifs étudiants à l’UQAM. Les auteurs affirment que la « pénurie de main-d’œuvre affecte les inscriptions universitaires » et particulièrement l’UQAM. Sans doute. Mais est-ce suffisant pour expliquer l’importante chute des inscriptions depuis 2014 (-9,15 % globalement et -23,4 % au premier cycle) ?

https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2023-04-24/replique/l-elephant-dans-la-piece.php

Les Pas perdus

Le Québec, c’est connu, a un grave problème avec la mémoire, la transmission, le patrimoine. En témoigne, par exemple, l’hécatombe continue des bâtiments patrimoniaux succombant sous le pic de démolisseurs pour être remplacés dans des édifices en toc, laids la plupart du temps, qui ne dureront pas 30 ans. En témoigne également la mort lente (ou rapide) réservée au patrimoine immatériel, c’est-à-dire aux arts qui relèvent de notre folklore.

Les « Pas perdus », une série de « documentaires scéniques » conçus par Anaïs Barbeau-Lavalette et Émile Proulx-Cloutier, explorent notre lien à la transmission du patrimoine immatériel en utilisant l’exemple de la gigue, un art, comme le dit crûment l’un des gigueurs sur scène, dont on a collectivement honte, instinctivement, sans même trop savoir pourquoi.

L’extrait de l’émission les Francs-tireurs présentée sur scène où Richard Martineau se moque et démolit une jeune femme qui pratique la gigue (donnons-lui le bénéfice du doute; il a probablement changé d’idée depuis) exprime parfaitement notre rapport collectif avec le « folklore »: une patente de vieux croulants, pas intéressante, honteuse, une culture de ploucs, une culture de pauvreté que l’on veut oublier au plus sacrant. Le projet collectif du Québec, en ce moment, c’est de nous délester, de nous débarrasser de nous-mêmes pour enfin entrer dans la modernité (qui est surtout américaine mais qui est d’abord et avant tout n’importe quoi plutôt que québécoise).

Cette pièce est particulièrement efficace pour tourner le fer dans la plaie: oui nous avons honte de notre culture, oui nous avons honte de qui nous sommes. A notre décharge, il faut dire que nous nous faisons répéter depuis 250 ans que nous sommes des « pas bons », des « moins que rien » et que plus tôt notre culture disparaitra, mieux ce sera. Ce mépris de soi plaqué sur nous par le colonialisme Britannique et maintenant Canadien a été profondément internalisé. La destruction du patrimoine matériel, le désintérêt pour le patrimoine immatériel, la fuite éperdue dans l’altérité est un reflet de notre mépris de nous-mêmes.

Mais cette pièce est un magnifique moment de transcendance qui rachète un peu et qui nous fait oublier, ne serait-ce qu’un instant, l’écroulement culturel collectif en cours. La réhabilitation de notre culture commence par la réalisation que celle-ci est unique, précieuse, magnifique et que nous avons le droit, à l’instar des autres peuples, de vivre.

A voir!

https://www.lediamant.ca/fr/programmation/pas-perdus/

Le favoritisme éhonté de Québec envers les universités anglaises

Cette histoire est emblématique de la posture générale du gouvernement du Québec face aux institutions anglaises qui sont chouchoutées et financées au-delà de toute mesure et de toute raison. Il faut voir dans ceci, je crois, l’expression d’un complexe d’infériorité tenace qui resurgit du vieux fonds canadien-français; les choses sérieuses, l’excellence, ne peuvent que se passer en anglais.

Car il faut voir dans les intentions budgétaires, je crois, une radiographie de l’intimité des convictions du gouvernement. Et ces convictions vont dans un sens bien précis, soit celui de faire des universités anglaises (McGill et Concordia) les universités d’élite, de référence, au Québec. Au centre-ville de Montréal, les gens auront le choix: étudier en anglais dans un site magnifique, patrimonial et grandiose (le Royal Vic) ou bien étudier en français dans un quartier en pleine perdition (l’UQAM). C’est une illustration puissante des conséquences désastreuses de la doctrine du « libre-choix » de la langue en enseignement supérieur.

J’y vois une trahison des idéaux de la Révolution tranquille, idéaux qui voulaient que les francophones puissent prétendre à l’excellence, même en étudiant en français. Mais quand l’on constate le favoritisme éhonté dont bénéficient les universités anglaises, tant du point de vue du financement par étudiant que de celui des investissements en infrastructures, il faut conclure que, manifestement, pour le gouvernement du Québec, cela n’est plus vrai.

https://lautjournal.info/20230414/le-favoritisme-ehonte-de-quebec-envers-les-universites-anglaises

Financement des universités: le manque de transparence du gouvernement

McGill, l’université la plus riche au Québec (et de très loin), dispose de 1 700 millions dans sa fondation (aux dernières nouvelles) et aurait pu à la fois acheter le site et le rénover, à même ses propres fonds. Les 620 millions de dollars que Québec donne à McGill aurait pu être investi à l’UQAM, qui en a rudement besoin.

Cette histoire est emblématique de la posture générale du gouvernement du Québec face aux institutions anglaises qui sont chouchoutées et financées au-delà de toute mesure et de toute raison. Il faut voir dans ceci, je crois, l’expression d’un complexe d’infériorité tenace qui resurgit du vieux fonds canadien-français; les choses sérieuses, l’excellence, ne peuvent que se passer en anglais.

https://www.journaldemontreal.com/2023/04/02/financement-des-universites-le-manque-de-transparence-du-gouvernement