Daphnée Dion-Viens et Charles Lecavalier, Le Journal de Québec, 14 mai 2021
Un chercheur pense que le contingentement des cégeps anglophones sera inefficace et inéquitable
Le contingentement des cégeps anglophones est une mesure inefficace et inéquitable, déplore le chercheur Frédéric Lacroix, qui prédit que la réforme de la Charte de la langue française les rendra encore plus séduisants.
« C’est une mesure inéquitable […] On vient dire qu’il n’y a qu’une minorité qui a droit à cette formation d’élite », indique M. Lacroix en entrevue avec le Journal. Il plaide pour une application pure et simple de la loi 101 au cégep.https://ed652881b759996262868a671d81c027.safeframe.googlesyndication.com/safeframe/1-0-38/html/container.html
Le gouvernement Legault trouve cette avenue « extrémiste » : pour endiguer le flot des élèves francophones et allophones vers les collèges anglophones, il gèlera plutôt le nombre d’étudiants admis dans les cégeps anglos au niveau de 2019-2020.
Puis, la croissance du réseau anglophone ne pourra excéder 8,7 % de la hausse totale des nouvelles places dans l’ensemble du réseau collégial.
Pour le chercheur Lacroix, auteur de Pourquoi la loi 101 est un échec, cette politique risque plutôt d’exacerber le problème.
Par effet de rareté, le diplôme anglais aura plus de valeur, et la bataille pour avoir une place dans ces écoles de choix sera d’autant plus dure. Les vainqueurs « seront la minorité avec la meilleure note », note M. Lacroix.
Un plaster
Avec cette mesure, le gouvernement vient mettre un plaster sur le problème d’érosion des effectifs des cégeps francophones, mais ne règle pas le problème qualitatif.
Il cite l’agrandissement du Collège Dawson. « Dawson va donc se retrouver avec des installations princières et un nombre limité d’étudiants, ce qui rehaussera encore plus son attractivité », dit-il.
Par ailleurs, le gel de places dans le réseau collégial anglophone dans ce projet de loi ne s’appliquera pas aux collèges privés non subventionnés.
Or la région de Montréal connaît une « explosion des inscriptions » d’étudiants étrangers qui se concentrent de plus en plus dans ces établissements « dont la langue d’enseignement est l’anglais », selon un rapport publié par l’Institut de recherche en économie contemporaine de Montréal (IREC) à la fin avril.
Recrutement à l’étranger
Au cabinet du ministre responsable de la Langue française, Simon Jolin-Barrette, on affirme toutefois que les étudiants étrangers « ne font pas vraiment partie du problème » linguistique à Montréal.
Or il est possible d’obtenir un permis de travail d’une durée de trois ans après deux années d’études au Québec, ce que font valoir certains collèges privés pour recruter davantage d’étudiants étrangers.
Le Regroupement pour le cégep français déplore que les collèges privés non subventionnés soient exemptés du gel de places dans le réseau anglophone, ce qui représente un « trou noir » inquiétant.
La Fédération des cégeps est aussi préoccupée par la situation. Les collèges privés non subventionnés qui accueillent un nombre croissant d’étudiants étrangers dans des programmes anglophones ont « aussi un impact sur l’équation dans la région de Montréal », affirme son président-directeur général, Bernard Tremblay.