L’anglicisation de Laval : spécial cégep

J’ai publié récemment un texte intitulé « L’anglicisation de Laval », texte qui faisait le tour de certains indicateurs démolinguistiques issus des recensements canadiens. J’y démontrais que le recul du français-et l’avancée de l’anglais- était proprement spectaculaire à Laval depuis une vingtaine d’années.

Un lecteur qui est également professeur au collège Montmorency à Laval et qui souhaite rester anonyme m’envoie ce témoignage sur la situation du français dans son cégep. Comme souvent, ce genre de témoignage, branché directement sur le terrain, donne une vision qu’un tableau statistique peine à fournir. On peut y constater que les données statistiques issus des recensements sont probablement bien en retard sur la réalité et que l’état de déliquescence du français à Laval est probablement beaucoup plus avancé que plusieurs ne veulent l’admettre ou que ne le reflètent les indicateurs linguistiques.

A Laval, le français est une langue en chute libre sur le plan symbolique, au point où les jeunes francophones, socialisés dans un univers numérique anglophone et dans une « province » qui dévalorise implicitement et presque ouvertement sa seule langue officielle, subissent déjà, à 17-18 ans, une érosion de leur vocabulaire de base dans cette langue alors qu’ils trouvent facilement les mots en anglais. Disons-le : à Laval, chez les jeunes, l’assimilation collective à l’anglais est en marche.

Quant aux allophones, leur intégration à la « majorité francophone » est, disons, de plus en plus sujet à caution. A lire ce texte, l’on comprend que le gouvernement Legault a probablement une vingtaine d’années de retard dans sa lecture de la dynamique linguistique.

Au cégep Montmorency

« Au collège Montmorency où j’enseigne, le français est dans un sale état.
Oubliez l’intégration d’anglicismes au sein de discussions ou de travaux en français : il y a belle lurette que la régression du français a largement dépassé la simple notion de vocabulaire emprunté de l’anglais.

Aujourd’hui, on fait passer pour des « anglicismes » des termes qu’on refuse simplement de traduire adéquatement. Ainsi, dans certains travaux étudiants, on peut lire des phrases comme : « C’est à ce moment que le policier a pris son « gun » » ou encore « Elle marchait tout bonnement sur le « sidewalk ». On ne parle pas ici d’anglicismes comme « timing » ou « brainstorm », qui seraient déjà plus faciles à accepter en raison de traductions plus ou moins évidentes. On parle de termes ayant des équivalents français directs, mais pour certains, qui en oublient leur vocabulaire français, le terme en anglais leur vient naturellement et ils n’essaient même pas de le retraduire vers le français.

Une aliénation linguistique

Remarquez le processus d’aliénation linguistique : une personne francophone, qui a grandi en français toute sa vie, finit par oublier des termes de vocabulaires aussi simples que « fusil » et « trottoir », mais les identifient très facilement en anglais. Déjà, on peut repérer un problème majeur, mais c’est pire que cela : la personne en vient à ne même plus tenter une traduction en français pour réappliquer le vocabulaire qu’elle a pourtant toujours su. Lorsque questionnés sur ces mots anglais intégrés au sein d’une phrase en français, certains étudiants se défendent candidement : « Mais monsieur, c’est ok, j’ai mis des guillemets! » ou encore « Mais monsieur, vous avez compris ce que je voulais dire! »

Lorsque réprimandés pour ces erreurs linguistiques (rappelons une évidence que plusieurs aimeraient ignorer : le collège Montmorency est un cégep francophone où la langue d’usage est le français et où les travaux sont réalisés en français), les étudiants ne se gênent pas pour émettre de profonds soupirs d’insatisfaction et de découragement, ni de rappeler à voix haute, devant toute la classe, que « ça serait tellement plus simple en anglais! »

Ce type de réflexion est répandu, et pas que chez les étudiants immigrants : plusieurs jeunes francophones y adhèrent.

On aura beau leur offrir tous les outils du monde pour les aider en français, rien n’y fait : pour les étudiants, le français est ringard, difficile et inutile. L’indifférence et l’insouciance triomphent, quand ce n’est pas directement du dédain ou du mépris. Ils assument avec une étrange fierté de mal écrire en français et de ne pas le maitriser. Avisés qu’ils peuvent perdre jusqu’à 10% de leur note pour les fautes de français, nombreux sont ceux à préférer cette pénalité qu’à prendre 5-10 minutes pour corriger leur texte.

Dans un des cours donnés par un collègue, les étudiants avaient à élaborer une mise en scène à partir d’un court texte. En groupe, les étudiants ont demandé s’ils pouvaient traduire eux-mêmes le texte en anglais pour faciliter l’exercice. Vous avez bien lu : ils rejettent un texte en français, qu’ils comprennent clairement (puisqu’ils arrivent à le traduire), et préfèrent alourdir la tâche en effectuant une traduction vers l’anglais plutôt que de traiter le texte en français, tel qu’il est.

Dans les discussions orales, même son de cloche : les étudiants se parlent fièrement en anglais dans les corridors ou même en classe. Et avant qu’on ne réitère le sempiternel faux argument qui cherche à minimiser ce phénomène sous prétexte que « mais c’est bien qu’ils pratiquent leur anglais », mettons les choses au clair : ce n’est pas de la « pratique ». Ces conversations sont légion et n’ont rien d’un exercice formateur ou pédagogique. Exemple de conversation entendue à la cafétéria : « And then I was like, you know, oh my god! I can’t believe you just said that, you bitch! No way! That girl needs to chill out big time… »


Je peux vous garantir que ce ne sont pas des formulations apprises dans un cours d’anglais. Et il ne s’agit pas d’un moment d’imitation ou de parodie d’un extrait de film ou autre mise en scène : il s’agit d’une conversation du quotidien entre amies, qui était à 100% en anglais.

Autre phénomène en hausse : les interventions d’étudiants en classe qui incorporent de plus en plus d’anglais, avec des mots fourre-tout aussi issus de l’anglais.

Exemple de question reçue : « Monsieur, selon vous, ce serait qui le… I mean… ce serait qui le best director ever? » Et tout cela sans compter les innombrables intégrations de termes en anglais tout simplement plaqués dans une phrase, sans ajustement, sans conjugaison, sans réappropriation.

Exemple entendu le matin : « Bof rien de spécial, j’ai spread mes toasts avec du beurre de peanuts. » On acceptera évidemment sans trop de reproche les anglicismes « toasts » et « peanuts », mais les verbes repris de l’anglais tels quels ont la cote : oubliez les verbes anglais conjugués pour la syntaxe française (j’ai callé un taxi / on a switché les rôles), désormais, le verbe anglais conserve sa forme intacte, et on n’essaie même plus de lui donner une apparence francisée.

Inversion du rapport langue première/langue seconde

Il n’y a pas si longtemps, les professeurs fournissaient un effort de francisation de textes issus de l’anglais pour les présenter en français aux étudiants, histoire de faciliter la compréhension et parce qu’on ne pouvait jamais présumer du bilinguisme des étudiants. Cette tendance est désormais inversée : plusieurs préfèrent étudier des textes ou des films en anglais plutôt que de lire, écouter ou réfléchir en français.

La culture américaine triomphe
Les ramifications de ce déclin du français sont très nombreuses, mais il y a fort à parier que l’hégémonie culturelle américaine, combinée à une dévalorisation du français au sein de nos propres institutions, contribuent colossalement à la perdition du français chez les étudiants.

Pour la plupart d’entre eux, ils ne consomment que de la culture anglophone : films, téléséries, musique, médias sociaux, balados, youtube… tout est en anglais. À Montmorency, les étudiants qui consomment de la culture québécoise sont l’exception et non la règle.

L’élastique linguistique va sauter
Le déclin du français m’apparait alors comme un élastique avec deux forces qui tirent chacune de leur côté : d’un côté, la dévalorisation générale du français, et de l’autre, une admiration sans réserve de l’anglais. A mon avis, la rupture de l’élastique linguistique est donc imminente. »

Un naufrage intellectuel: réplique à André Pratte

L’ex-sénateur André Pratte, ex-éditorialiste et maintenant coprésident du « Comité sur la relance du Parti libéral du Québec », me fait l’honneur de répliquer à un billet de blogue intitulé « L’anglicisation de Laval » paru récemment sur mon site ouèbe. Billet où je fais le tour de certains indicateurs linguistiques issus du recensement canadien et où je démontre qu’à Laval, troisième ville en importance au Québec, depuis 20 ans, l’anglais avance tandis que le français recule. En 20 ans, les effectifs relatifs du groupe francophone en fonction de la langue parlée le plus souvent à la maison ont ainsi fondu de 20% tandis que ceux du groupe anglophone ont augmenté de 48,7%. Voilà qui invalide le discours de ceux qui prétendent encore que « le français recule, oui, mais l’anglais aussi ».


M. Pratte affirme que le portrait que je brosse « nécessite quelques nuances ». Quelles sont ces nuances? Il affirme d’abord que « j’ignore certaines données encourageantes » et dégaine qu’à Laval, la « connaissance du français » est « stable » à « plus de 92% ». Première remarque : ce taux de connaissance était de 92,9% en 2016 et de 92,1% en 2021, une chute de 0,8 points donc et non pas une « stabilité ». Parallèlement, la proportion des Lavallois qui connaissent seulement l’anglais a augmenté de 0,7 points durant la même période. Et si on compare sur une plus longue période, en 2001, ce taux de connaissance du français à Laval était de 95,4% (chute de 3,3 points en 20 ans). Quant à la connaissance de l’anglais seulement, elle était de 3,3% la même année (augmentation de 2,5 points depuis). Ces chiffres montrent un déclin significatif de la connaissance du français et une augmentation de l’unilinguisme anglais depuis 2001. Les propres « données encourageantes » que propose M. Pratte ne le sont pas.


Notons aussi que l’indicateur de « connaissance » d’une langue résulte d’une auto-évaluation de la compétence, un processus affecté par la complaisance et la tendance bien humaine à se peindre dans la meilleure lumière possible. Il est démontré que l’image que les gens se font d’eux-mêmes et de leurs habiletés n’ont généralement qu’un « lien ténu avec la réalité » et est souvent entachée d’un « optimisme irréaliste » (voir Dunning et al., « Flawed self-assessment: Implications for Health, Education and the Wordplace », PSPI). Par exemple, l’auto-évaluation du niveau d’intelligence d’une personne n’a « qu’une vague corrélation (0,3) avec l’intelligence mesurée par un test objectif ». Le chercheur Charles Castonguay a écrit un excellent article démontrant les limites -nombreuses- de l’indicateur de connaissance d’une langue. Un simple changement de question suffit, par exemple, à faire fondre le taux de connaissance auto-évalué de 13%. Cet indicateur n’est pas robuste et les données obtenues grâce à cette question sont donc « au mieux rudimentaires » (p.18, Marc Termote « Nouvelles perspectives démolinguistiques du Québec et de la région de Montréal 2001-2051 », OQLF). De plus, la vitalité d’une langue est liée à son usage réel et non pas à sa connaissance. Se baser sur l’indicateur de connaissance pour affirmer que le français va bien et pour « nuancer » un portrait brossé à l’aide de données beaucoup plus robustes n’est donc pas très sérieux.


Même si M. Pratte met au pluriel « données encourageantes », je n’en trouve pas d’autres dans son texte. Il affirme bien que la baisse de certains indicateurs relatifs « pourrait s’expliquer par la migration interrégionale des francophones » mais cette théorie pas convaincante du tout est copieusement servie à tous ceux qui s’inquiètent du déclin du français depuis au moins une vingtaine d’années. Pas convaincante parce que de 2016 à 2021, le français a reculé dans toutes les régions métropolitaines de recensement au Québec (incluant celle de Saguenay!) et a reculé aussi globalement de 1,5 points au Québec. Si la baisse à Laval résultait d’un effet de déplacement de populations, alors une hausse équivalente devrait logiquement s’enregistrer quelque part. Ce n’est pas le cas.


M. Pratte écrit que « la valeur des transferts linguistiques comme indicateur est contestée ». Ah bon? La robustesse de cet indicateur est tellement « contestée » qu’une question portant sur la langue parlée le plus souvent à la maison a été rajoutée lors du recensement de 1971 suite à une suggestion de la commission Laurendeau-Dunton (la plus importante commission portant sur la langue jamais tenue au Canada; des centaines de chercheurs mobilisés pendant presque une décennie) afin de pouvoir mesurer l’assimilation courante, c’est-à-dire le décalage entre la taille d’une population d’une certaine langue maternelle et le nombre de ceux qui utilisent cette langue le plus souvent à la maison. L’ajout de cette question a permis de mesurer au début des années soixante-dix le taux d’assimilation -déjà consternant- des francophones hors-Québec ce qui a aidé à faire adopter la Loi sur les langues officielles fédérale qui accordait pour la première fois dans l’histoire du Canada un statut juridique conséquent au français (ce qui n’a nullement arrêté l’assimilation des francophones, mais c’est une autre histoire). En réalité, cet indicateur des transferts linguistiques est contesté seulement par ceux qui n’aiment ce qu’il nous apprend et qui souhaiteraient revenir à la grande noirceur démolinguistique pré-1971.


Quant au lyrisme dans lequel enveloppe M. Pratte sa défense de l’anglais comme langue de travail à Laval sous prétexte qu’on ne construit pas de « Couche-Tard ou de CGI » en « refusant de parler anglais » cela relève de l’échappatoire rhétorique. On sait d’abord que l’usage de l’anglais au travail est bien corrélé avec la langue parlée le plus souvent à la maison (les francophones travaillent surtout en français et les anglophones en anglais, voir Statistique Canada, « Parlant de travail : les langues de travail à travers le Canada) et avec la langue des études (aussi postsecondaires, d’où la nécessité absolue de la loi 101 au cégep); la hausse de l’anglais au travail s’explique bien plus par le déclin de la proportion de francophones que par une quelconque mondialisation exigeant l’anglais à Laval (CGI n’a même pas de bureau à Laval!). De 2016 à 2021, l’anglais a d’ailleurs fait des gains dans l’ensemble des secteurs d’activités, allant de la construction aux administrations publiques. Enfin, l’OQLF a démontré en 2020 que l’anglais était souvent exigé à l’embauche au Québec pour des « fins de communication interne », c’est-à-dire afin d’accommoder les anglophones travaillant déjà en anglais à l’interne à qui on ne veut pas imposer de devoir travailler en français. L’accommodement linguistique est souvent unidirectionnel.


Statistique Canada publiait pas plus tard que le 22 août dernier une étude prouvant qu’au Québec, comme dans l’ensemble du Canada, l’anglais avançait maintenant sur tous les plans (connaissance, première langue officielle parlée, langue maternelle, langue parlée à la maison, langue utilisée au travail). Qui plus est, 36% des « anglophones » présent au Québec selon la première langue officielle parlée sont nés à l’extérieur du Canada (et seulement 53% des anglophones sont nés au Québec!). En clair, l’immigration internationale et interprovinciale (provenant surtout de l’Ontario) est en train de gonfler rapidement les rangs de la communauté anglophone du Québec.


Finalement, M. Pratte, en se basant sur ce qui se passe à Laval, nous annonce que le Québec de demain sera à la fois « francophone » et « bilingue ». L’utilisation du terme « bilingue » évoquant spontanément, instinctivement, une égalité des langues, relève ici de l’enfumage rhétorique. Il serait plus exact de dire que le Québec que la situation à Laval nous annonce sera de moins en moins français et de plus en plus anglais et que le bilinguisme sera, comme en témoigne la hausse continue de l’unilinguisme anglais à Laval, de plus en plus le fardeau des seuls francophones (comme partout au Canada).


Ce texte de M. Pratte est emblématique du naufrage intellectuel d’une bonne partie des fédéralistes Québécois, qui sont incapables de sortir d’un Canada fantasmé pour voir le Canada réel, un pays qui a mis de côté les Québécois comme « peuple fondateur » en 1982 et où le français est en train de s’échouer d’un océan à l’autre.

La «west-islandisation» de Longueuil

Publié dans la section Idée du Devoir
La débâcle du Parti libéral du Québec en octobre 2018 est en train de nous faire oublier quelque peu la chape de plomb que ce parti a fait peser sur le Québec pendant de longues années. Mais ignorer l’histoire, c’est se condamner à la revivre. Rappelons-nous donc que le PLQ a réussi à faire main basse sur le pouvoir pendant 15 ans, grâce à une stratégie électorale reposant sur deux piliers : maximiser les volumes d’immigration et s’assurer que les immigrants admis se « québécisent » le moins possible. Cela a consolidé au cours du temps le nombre de circonscriptions « sûres », où les fédéralistes sont quasi certains de remporter une élection.

Les résultats d’octobre 2018 sont parlants. Même si le PLQ a subi la pire débandade de son histoire, il a tout de même réussi à récolter 31 sièges. Il domine outrageusement sur l’île de Montréal, où il a remporté 19 sièges sur 27. On notera que si sa prédominance se limitait autrefois au « West Island », elle fait maintenant tache d’huile vers l’est. Ainsi, le PLQ a remporté 6 sièges sur 14 dans l’est.

Vers le nord

À Laval, le PLQ a obtenu 5 sièges sur 6 en 2018. Lors des élections fédérales d’octobre 2019, son frère jumeau, le PLC, a remporté toutes les circonscriptions fédérales de l’île de Montréal et de Laval, à l’exception de deux.

Laval est maintenant tapissée de rouge. Pourquoi ? Parce que la proportion de francophones, langue d’usage (langue parlée le plus souvent à la maison), principal déterminant du vote au Québec, s’est effondrée. De 2001 à 2016, elle est passée de 77,5 % à 65,1 %, tandis que la proportion d’anglophones augmentait de 11,5 % à 15,4 % à Laval. Résultat ? En 15 ans seulement, les nationalistes ont été quasi éjectés de l’île de Laval. Pour de bon.

Cet effondrement du poids des francophones dans la région métropolitaine de recensement de Montréal (RMR) ne fait que débuter. Statistique Canada et l’Institut national de recherche scientifique (INRS), qui ont récemment publié des projections linguistiques, le confirment. L’agence fédérale nous apprend que le pourcentage de francophones dans la RMR de Montréal, hors de l’île, baissera de 83,2 % en 2011 à 71,9 % en 2036. En parallèle, fait nouveau, le pourcentage d’anglophones hors de l’île de Montréal augmentera de 10,0 % à 14,3 %.

Vers le sud

La thèse de doctorat de Patrick Sabourin, de l’INRS, qui utilise une modélisation plus fine que Statistique Canada, nous permet de comprendre ce qui se passera, par exemple, dans la division de recensement (DR) de Longueuil, l’exemple typique d’une banlieue « francophone ». Dans cette DR, les projections de l’INRS indiquent que le pourcentage de francophones, langue d’usage, passera de 79,6 % à 68,2 % en 2056. Fait crucial, le pourcentage d’anglophones, langue d’usage, augmentera de 10,8 % à 11,9 %. On nous a longtemps répété que si le français reculait, ce n’était pas grave, car l’anglais aussi reculait (ou reculerait). C’est faux. Le français va reculer, tandis que l’anglais va progresser.

Cette progression de l’anglais sera due à deux facteurs : les transferts linguistiques des allophones qui s’effectuent de manière disproportionnée vers l’anglais (à hauteur d’environ 45 %) et une anglicisation croissante des francophones (anglicisation nette de 30 000 en 2016 dans la RMR de Montréal). Il faudrait qu’environ 90 % des transferts linguistiques des allophones s’effectuent vers le français pour assurer la stabilité à long terme du poids des francophones (les autres facteurs étant égaux). Il faudrait aussi que l’anglicisation nette des francophones tende vers zéro. Nous sommes loin, très loin du compte.

Les conséquences de cet effondrement annoncé du poids des francophones à Longueuil seront les mêmes que celles que nous voyons actuellement à Laval. Les partis nationalistes seront expulsés et, graduellement, les partis fédéralistes deviendront indélogeables. On notera d’ailleurs que le PLC a remporté sans trop de difficultés deux des circonscriptions de la Rive-Sud de Montréal incluses dans la DR de Longueuil, lors des élections fédérales d’octobre 2019. L’avenir est déjà là…

Vers l’est, vers le nord et maintenant vers le sud. On peut s’écrier, comme dans le conte de Perrault : « Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir ? Je ne vois rien que le soleil qui poudroie, et l’herbe qui verdoie. »

Si Anne continue de ne rien voir, Longueuil, comme Laval, va se « west-islandiser ». Le résultat des élections fédérales d’octobre 2019 est un avertissement supplémentaire. Le Québec doit, de façon urgente, travailler à renforcer la vitalité du français. Sinon, il sera laminé politiquement. À court terme.

La CAQ ne semble pourtant pas être favorable à un renforcement de la loi 101. Il semble bien que la CAQ ne voie rien venir.