Après le logement, l’école

Hausse des seuils migratoires

C’est donc chose faite.

Une petite année après avoir affirmé en campagne électorale que recevoir plus de 50 000 immigrants par année, ce serait « suicidaire » et que la « Louisianisation » nous guettait dans ce cas, M. Legault a décidé d’augmenter les seuils d’immigration à quelques 64 000/an (ou plus?). Qui plus est, le « spin » gouvernemental, malheureusement repris par plusieurs médias sans vérification aucune, affirme que le seuil a été maintenu à 50 000 alors que cette affirmation n’a aucun lien avec la réalité. En plus d’avoir brisé sa promesse électorale, M.Legault estime manifestement qu’il peut s’en tirer en affirmant qu’il la tient. A ceci, on a envie de s’écrier, pour paraphraser M. Parizeau, « le concept d’addition, ça existe! »

La planification pluriannuelle de l’immigration est un exercice qui ressemble de plus en plus à un chapitre d’Alice au pays des merveilles, c’est-à-dire à une fiction située dans un pays merveilleux où les évènements défient toute logique ordinaire. Dans ce pays imaginaire, on peut affirmer, par exemple, qu’une hausse de l’immigration va régler la pénurie de main-d’œuvre, qu’elle va arrêter le vieillissement de la population ou bien qu’une hausse va inverser le déclin du français. Dans la réalité cependant, ces affirmations sont fausses.

Tout l’exercice de planification de l’immigration se concentre sur les immigrants dits « permanents » comme si la situation était encore celle d’il y a plusieurs décennies alors que les flux d’immigrations « autres » étaient négligeables. Mais la situation en immigration a connu depuis dix ou quinze ans un bouleversement sans précédent dans l’histoire du Québec. L’immigration provenant de la filière « temporaire » a connu une augmentation exponentielle et le nombre de temporaires a été multiplié par neuf depuis l’époque de Philippe Couillard (et par un facteur vingt depuis les années soixante-dix). Seulement entre janvier et juillet 2023, le nombre de temporaires sur le territoire du Québec a augmenté de 85 000. De sorte qu’il y a maintenant 471 000 immigrants temporaires au Québec, la plupart désirant rester chez nous de façon permanente. Le vocable de « temporaire » accolé à ce flux migratoire est donc tout à fait trompeur. Dans son premier rapport, le Commissaire à la langue française a prouvé que cette immigration temporaire, qui largement ignore ou n’utilise pas le français, est un facteur d’anglicisation majeur du Québec.

Ces chiffres ne suffisant apparemment pas, Ottawa a décidé de détourner la notion de « droit d’asile » pour en faire une nouvelle filière d’immigration à part entière. Cela fut mis en place avec le chemin Roxham qui a institutionnalisé la chose. Mais Roxham maintenant fermé par suite de pressions venant des maires de municipalités ontariennes, Ottawa a simplement décidé de changer en douce les règles d’attribution de visas dans les aéroports pour en faire (et de l’aéroport Trudeau en particulier), un nouveau chemin Roxham aérien. De sorte qu’entre janvier et septembre 2023, Québec a accueilli 35 100 demandeurs d’asile, soit 69% du total canadien. Ce nombre allant en augmentant, atteindra-t-il bientôt le même niveau que celui des immigrants « permanents »?

Paul St-Pierre Plamondon soulignait un point à mon avis capital en entrevue récemment, à savoir que si le Canada n’était pas atteint aussi gravement que l’Europe par les problèmes reliés à l’immigration massive (explosion de la criminalité violente en Suède par exemple), c’était parce que, historiquement, le Canada exerçait une sélection rigoureuse des immigrants. Mais cela était vrai avant les changements drastiques apportés en immigration temporaire et en « droit d’asile ». Aujourd’hui, grâce à la mise en place de ces nouvelles filières, l’on peut affirmer qu’aucune sélection sérieuse n’est effectuée pour une bonne partie des immigrants, tous flux confondus, présents sur notre territoire. L’incurie du ministère de l’immigration fédéral défraie même régulièrement les manchettes. On peut donc, à mon avis, légitimement se demander « mais où allons-nous collectivement? ».

Les effets

Ce qui prime en immigration, c’est le nombre.

C’est le nombre absolu d’immigrants qui détermine l’impact sur la société d’accueil. Cet impact n’est pas déterminé par le « statut » bureaucratique de l’immigrant, mais simplement par le fait que celui-ci soit là, présent sur le territoire et qu’à ce titre, il interagit, se loge, va à l’école, se fait soigner et consomme comme tout autre membre de la société.

Si, dans les six derniers mois, les effets de l’immigration massive sur la crise du logement ont éclaté au grand jour dans les médias du Canada anglais, l’effet sur les autres services a encore été peu considéré. Il est cependant logique de penser que la hausse sans précédent (depuis au moins le baby-boom de l’après seconde guerre mondiale) de la population canadienne causée par un volume d’immigration record des dernières années a des effets en cascade sur l’ensemble de la chaine des services sociaux. Voyons donc l’effet sur l’école.

Des données ont été obtenues du ministère de l’éducation du Québec concernant l’effectif des écoles publiques québécoises sur la période 2017-2021 ainsi que le nombre d’immigrants de première (nés à l’étranger) et de deuxième génération (nés au Québec d’au moins un parent né à l’étranger).

La figure 1 présente l’effectif total dans les écoles publiques du Québec sur la période 2017-2021.

Figure 1 : Effectif total des écoles publiques québécoises, 2017-2021.

On constate à la figure 1 que l’effectif total a crû de 65 633 personnes sur cette période de 5 ans, soit un taux de croissance moyen d’environ 1,4% par année. Ce taux de croissance moyen cache cependant d’immenses disparités régionales.

La figure 2 présente le taux de croissance sur 5 ans en fonction du Centre de service (ou Commission) scolaire.

Figure 2 : Taux de croissance des écoles publiques québécoises sur 5 ans (2017-2021) par Centre de service ou Commission scolaire.

On peut constater à la figure 2 que le CSS champion de la croissance est le CSS des Découvreurs (à Sainte-Foy), dont l’effectif a grimpé de presque 17% en 5 ans. Cela équivaut à 1 985 nouveaux élèves en 5 ans, soit l’équivalent de quatre nouvelles écoles primaires de bonne taille durant cette période. 42 CSS sur 72 ont des taux de croissance de plus de 5% durant cette période (soit plus de 1% par année).

Le nombre d’immigrants de 1ère et 2ième génération dans les écoles a augmenté de 51 261 au cours de la période 2017-2021 tandis que l’effectif total a augmenté de 65 633 durant la même période. Ce qui signifie que l’immigration est responsable de 78% de la hausse totale d’effectif dans les écoles publiques dans les 5 dernières années.

La figure 3 présente la proportion d’immigrants de 1ère et 2ième génération dans les écoles publiques québécoises sur la période 2017-2021. On remarque que cette proportion est passée de 27,9% en 2017 à 31,2% en 2021, soit une augmentation relative de 3,3% en 5 ans seulement. A ce rythme de croissance, les immigrants constitueront 40% des effectifs des écoles publiques d’ici 14 ans.

Figure 3 : Proportion d’immigrants de 1ère et 2ième génération dans les écoles publiques québécoises sur (2017-2021).

Presque un enfant sur trois est donc d’origine immigrante dans les écoles publiques québécoises et cette proportion est en croissance rapide.

La figure 4 présente la proportion d’immigrants dans les CSS en 2021.

Figure 4 : Proportion d’immigrants de 1ère et 2ième génération dans les CSS (2021).

On peut constater à la figure 4 que la proportion d’immigrants varie énormément en fonction du Centre de service scolaire, passant de 79,8% au CSS Pointe-de-l ’île, 70,3% au CSS de Montréal, 69,1% au CSS de Laval, etc.

Le tableau 1 fournit la proportion d’immigrants dans les CSS pour toutes les CSS ayant plus de 20% d’immigrants.

Tableau 1 : Proportion d’immigrants dans les CSS (2021).

Les 5 première CSS du tableau ont toutes plus de 50% d’immigrants et représentent 20,8% de l’effectif scolaire total du Québec.

A suivre!