L’anglicisation de Saint-Lin-Laurentides

Si le gouvernement de la CAQ, qui se dit nationaliste, met de l’avant de façon assez ostentatoire la défense de la langue française, il se fait assez discret sur celle de la langue anglaise.

Un exemple de la discrétion de la CAQ face à l’anglais nous est donné avec la construction d’une nouvelle école anglaise à Saint-Lin-Laurentides.  Saint-Lin-Laurentides est une petite ville située au nord de Montréal et dont la population a atteint 24 030 habitants en 2021 (un bond de 3 244 depuis 2016) selon Statistique Canada. Le site ouèbe de la Sir Wilfrid Laurier School Board (SWLSB) annonçait la construction de cette nouvelle école primaire anglophone le 24 avril 2023. Ce projet, comme le mentionne le communiqué, a nécessité un « investissement majeur de 35,7 millions de dollars du gouvernement du Québec », disposera de 16 salles de classes et aura une capacité d’accueil de 384 élèves dès septembre 2024.

Le communiqué de la SWLSB cite plusieurs ministres caquistes. Par exemple, M. Christopher Skeete (député de Sainte-Rose) affirme que : « cette annonce démontre que notre gouvernement accorde une priorité à l’éducation, et la construction d’une école pour les québécois anglophones démontre que notre communauté est en bonne santé » ou M. Bernard Drainville (ministre de l’Éducation) qui se dit « enthousiaste » par rapport à l’ouverture de cette école qui « répond aux besoins d’espace des familles ».


Malgré l’importance de l’investissement gouvernemental dans ce projet, il est étonnant de constater l’absence de communications officielles à ce sujet. Ainsi, rien n’apparait à l’agenda officiel de M. Skeete ni non plus sur son compte Twitter. Celui-ci s’était pourtant déplacé pour l’évènement et semblait tout sourire, comme on peut le voir sur une vidéo concernant cette « state-of-the-art English school ». Rien non plus du côté de M. Drainville. Aucun communiqué de presse gouvernemental n’a non plus été émis à ce sujet. Seuls les médias anglais ont couvert la nouvelle (CTV News, Global News).

Le silence du gouvernement de la CAQ concernant cet investissement soulève des questions de fond sur la transparence de celui-ci. Manifestement, la CAQ cherche, dans ces communications, à dissimuler des investissements gouvernementaux qui sont faits en faveur de l’anglais et de la communauté anglophone du Québec.

Si on peut poser des questions légitimes sur la forme (la communication gouvernementale), cet investissement peut aussi nous interpeller sur le fond.

Selon Statistique Canada, les anglophones (après répartition égale des réponses multiples) représentaient 2,16% (langue maternelle) et 1,68% (langue parlée le plus souvent à la maison) de la population de Saint-Lin-Laurentides en 2021. La proportion correspondante d’allophones était de 2,80% et 1,27%, respectivement.

En nombre absolu, il y avait donc 516 et 401 anglophones, langue maternelle et langue parlée le plus souvent à la maison, dans cette ville en 2021. Alors que ceux-ci étaient au nombre de 357 (langue maternelle) et 301 (langue d’usage) en 2016, il y a donc eu une augmentation de 159 et 100 anglophones, respectivement, en cinq ans.

Il est donc exact de dire, comme le mentionne le communiqué de presse de la SWLSB, que la communauté anglophone est « en croissance », mais il faut tout de même relativiser ces propos. L’augmentation relative est élevée (44% pour la langue maternelle), certes, mais le nombre absolu d’anglophones est encore faible.

On peut aussi calculer la taille de la population anglophone, langue maternelle (c’est le calcul le moins conservateur étant donné qu’il y a moins d’anglophones en fonction de la langue parlée le plus souvent à la maison). On arrive, pour la population en âge de fréquenter l’école primaire, à environ 75 enfants anglophones de 5 à 14 ans à Saint-Lin-Laurentides en 2021.

Or, la nouvelle école anglaise peut en accueillir 384.

À qui est destinée, majoritairement, cette nouvelle école primaire?