Le nombre, le nombre, le nombre

Dans une scène mémorable du film « Le déclin de l’Empire américain », le personnage joué par Rémy Girard, un prof d’histoire de l’université de Montréal, explique que trois choses comptent en Histoire : « Premièrement le nombre, deuxièmement le nombre, et troisièmement le nombre. Ça veut dire que les noirs Sud-africains finiront certainement un jour par gagner alors que les noirs nord-américains n’arriveront probablement jamais à s’en sortir. Ça veut dire aussi que l’Histoire n’est pas une science morale. Le bon droit, la compassion, la justice sont des notions étrangères à l’Histoire ».

Ce petit discours m’est revenu en tête à la lecture de la dernière étude publiée par le Commissaire à la langue française le 10 novembre dernier, intitulée « La mixité dans les milieux de vie selon le groupe linguistique et la génération d’immigration ».

Derrière le vernis techno-bureaucratique, cette étude est le document le plus effrayant, le plus épouvantable jamais publié par une instance officielle du gouvernement du Québec.

Pourquoi? Car c’est la démonstration mathématique, implacable, de notre minorisation -celle du peuple historique de langue française- en cours. Une minorisation qui ne relève pas d’un fantasme lointain ou d’une quelconque théorie du complot; une minorisation qui est un fait, qui est accomplie déjà sur de grandes parties du territoire et qui sera bientôt complétée pour l’ensemble du Québec.

L’effondrement de la majorité historique francophone dans les écoles primaires et secondaires

C’est à la page 72, en annexe, que l’on trouve un tableau indiquant « L’évolution de la proportion d’élèves de troisième génération ou plus selon l’ordre et le réseau d’enseignement ». Ces « élèves de 3ème génération ou plus », rappelons-le, sont ceux nés au Canada de deux parents nés au Canada alors que les 2ème génération sont ceux nés au Canada avec au moins un parent né à l’étranger tandis que les 1ère génération sont ceux nés à l’étranger.

La proportion de 3ème génération (ou plus) peut être comprise, grosso modo, comme étant la proportion de Québécois francophones, d’origine canadienne-française ou s’y étant intégrée il y a longtemps, qui compose l’effectif scolaire (surtout dans les Centres de services scolaires de langue française, cela dit).

Bien sûr, ce type d’analyse comporte plusieurs limitations : un 2ème génération, surtout si l’enfant est issu d’un mariage mixte, peut être bien intégré dépendant de l’origine des parents, du milieu d’accueil, etc. Cependant, le ministère de l’Éducation ne collecte aucun autre type de donnée et en conséquence, nulle autre analyse n’est réalisable. Mais l’utilisation du statut d’immigration au lieu d’autres indicateurs potentiellement plus précis ne change pas, selon moi, les conclusions générales.

La figure 1 reproduit le Tableau B18 en question.

L’on constate, à la figure 1, que la proportion de 3ème génération et plus dans l’effectif scolaire préscolaire, primaire et secondaire est passée de 83,6% en 2004-2005 à 64,1% en 2024-2025, soit une chute de 23,3% en 20 ans seulement.

Cela n’est pas une « baisse », c’est un effondrement sans précédent dans l’histoire du Québec. Répétons-le : une telle chose, d’une telle rapidité et d’une telle brutalité, n’est jamais arrivée auparavant.

Si l’on savait que le plancher des 80% de francophones avait été défoncé sur le plan de la langue maternelle (76,3%) et de la langue parlée le plus souvent à la maison (79,1%) depuis le recensement de 2021 (voir mon texte « La fin de l’éternité »), ces chiffres valaient pour la population en général et la majorité francophone, bien qu’en baisse, restait une majorité.

Cette étude du Commissaire nous fournit cependant un portrait de la situation dans les classes d’âge scolaire. Et il est dantesque : Les 3ème génération sont maintenant minoritaires dans les écoles partout dans le grand Montréal et en baisse rapide à peu près partout ailleurs (p.71) : ils sont 29,1% seulement à la CSS de Montréal, 36,3% à Marie-Victorin (Longueuil), 56,2% aux Découvreurs (Québec), 18,1% (!!!) à la Pointe-de-l’ile, 47,5% aux Portages-de-l’Outaouais, 69,9% dans la Région-de-Sherbrooke, etc.

La fiction de l’intégration

L’intégration est d’abord une question de rapport de force démographique. Elle a peu à voir avec « l’ouverture », la « gentillesse », le « cœur », etc., bien que ces qualités puissent rendre le processus plus agréable que moins. On s’intègre, processus long, pénible et plein de deuils, par la force des circonstances, le plus souvent parce qu’on désire améliorer son sort et  donner un avenir plus intéressant à ses enfants, parce qu’on a fait le choix de se déraciner.

Des études ont déjà démontré qu’en bas de 80% de francophones (langue maternelle) dans un lieu donné, les immigrants au Québec ne s’intégraient pas à la « majorité francophone » et convergeaient plutôt massivement vers l’anglais. Pour que l’intégration se fasse, il faut que la « majorité » existe réellement, charnellement, dans les institutions intégratrices, comme l’école. L’intégration ne peut se faire dans un contexte où la société d’accueil disparait de celles-ci.

Aujourd’hui, partout dans les régions majeures de contact avec les immigrants au Québec, les 3ème génération sont maintenant en minorité dans les écoles. Le contact des élèves issus de l’immigration avec des Québécois et donc avec la langue française mais aussi avec la culture québécoise est de plus en plus évanescent. Le français est donc rétrogradé à une langue scolaire, utilisée passivement lorsque requis alors que la langue de socialisation, de culture est de plus en plus l’anglais. Le rapport de force démographique qui existait auparavant et qui permettait (en partie) l’intégration a été pulvérisé sur de larges pans du territoire.

Akos Verboczy, dans son livre « Rhapsodie québécoise : itinéraire d’un enfant de la loi 101 » avait fait le portrait du mépris qui régnait envers la culture québécoise dans son école secondaire -où les Québécois de souche étaient presque totalement absent- du Notre-Dame-de-Grâce dans les années 90. Mais ce phénomène, qui était circonscrit à quelques écoles à très haute densité d’élèves issus de l’immigration situées dans l’ouest de Montréal il y a trente ans, s’est maintenant généralisé à l’ensemble de la grande région de Montréal et est en train de métastaser à Québec, Sherbrooke, Trois-Rivières, etc. Le Québec au complet est en train de se « westislandiser ».

Avec cet éclairage, toute une série d’évènements en apparence disparates qui ont fait surface dans les dernières années s’ordonnent et prennent leur place dans un cadre logique. On peut mieux comprendre, par exemple, cette chronique coup de poing de Jean-François Lisée (« Identité anti-québécoise ») publiée en février 2024, qui rassemblait un ensemble impressionnant d’anecdotes sur le mépris du Québec et de la culture québécoise qui règne dans de nombreuses écoles de langue française dans le grand Montréal. Ou ce papier du JdeM d’avril 2024 (« Le français boudé dans des écoles: «C’est juste “inconvenient” pour moi» ») qui montrait que l’anglais est maintenant la langue commune dans nombre d’écoles. Ou cette lettre crève-cœur, à lire absolument, (« Longtemps j’ai refoulé mon identité québécoise » ) d’une jeune québécoise ayant été scolarisée dans une école à majorité immigrante à Laval il y a 20 ans et qui en est venue, afin de « s’intégrer », à avoir honte de son identité québécoise. Ou ce documentaire (« Garçons, un film de genre »), où des jeunes filles d’une école de Gaspésie en visite dans une école de Montréal-Nord se font fait traiter de « plotte gaspésienne » et « d’estie de blanche ». Le directeur d’école de Montréal-Nord intervient même pour dire que la « présence d’un paquet de blancs » dans son école a causé un « effet de curiosité ». En effet.

Sur de grandes parties du territoire québécois, le tissu social dans les écoles est déchiré. Nous sommes face à un échec retentissant non seulement de la loi 101, mais de l’ensemble de notre politique d’immigration, échec qui ira grandissant au fur et à mesure que les québécois francophones seront minorisés de plus en plus profondément partout au Québec.

Le point de bascule, celui où nous passerons en bas du 50% dans les classes d’âge scolaire, sera atteint, au rythme actuel, d’ici un peu plus de 10 ans (demain!) pour l’ensemble du Québec.  

Après cela, un verrou démographique sera posé sur notre avenir, et la majorité historique francophone -maintenant minorité- sera dépouillée à jamais de la possibilité de décider de son avenir politique.

L’union des forces pour détruire la majorité francophone au Québec

La minorisation des Québécois francophones dans les écoles, qui sera terminée bientôt, est l’accomplissement d’un très vieil objectif d’Ottawa, formulée d’abord explicitement par Lord Durham, qui était « d’oblitérer la nationalité » des Canadiens-français. La mise en minorité des francophones à la grandeur du Canada allait permettre de repousser le danger de l’indépendance du Québec et conduire au pays rêvé unitaire, anglophone. Cet objectif, reformulé récemment en termes purement économiques par le lobby Century Initiative est une constante de la politique intérieure du Canada depuis des siècles.

Dans les dernières décennies cependant, dans une belle démonstration « d’intersectionnalité », deux autres courants idéologiques sont venus en renfort de cet objectif, soit l’immigrationnisme économique du patronat et le postmodernisme héritier du marxisme. Le premier réduit les êtres humains à un intrant déplaçable à volonté afin de répondre aux besoins de l’usine globale et le second a remplacé la figure du peuple par celle de l’immigrant et cherche, en instrumentalisant ceux-ci, à détruire l’ordre social occidental traditionnel fondé sur des peuples historiques, enracinés, en majorité d’ascendance européenne.

La conjonction de ces trois courants a produit une force quasi irrésistible qui est en train d’accomplir ce que l’Acte d’union de 1840, la Confédération de 1867 n’ont pas réussi.

Rompre avec une politique d’immigration suicidaire

La noyade des 3ème génération se produit parce que les seuils d’immigration sont excessifs et depuis fort longtemps (au moins 25 ans).

Si l’intégration des immigrants était un objectif important pour le Québec, alors les seuils d’immigration seraient déterminés, en grande partie car les enfants sont l’avenir d’un peuple, en fonction de la capacité d’accueil des écoles.

Le nombre d’immigrants accueillis chaque année devrait être celui (essentiellement) qui permet de maintenir une très nette majorité, que l’on peut fixer à 80%, d’élèves de 3ème génération ou plus dans les écoles, idéalement dans chaque école et Centre de service scolaire à la grandeur du territoire.

Ce seuil de 80% ayant été défoncé un peu partout, cela signifie concrètement que nous avons besoin d’un moratoire à peu près total sur l’immigration; il faut arrêter de creuser, avec un enthousiasme morbide, notre propre tombe collective.

Car à moins d’un changement de cap majeur, nous allons nous aussi comprendre, dans notre chair et dans l’agonie de notre peuple et de notre culture, que « le bon droit, la compassion, la justice sont des notions étrangères à l’Histoire ».

En Occident, des marchés de Noël aux « lumières du Ramadan »?

Dans le journal allemand Die Welt, un bref entrefilet a capté mon attention : « Les mesures de sécurité antiterroristes trop coûteuses. Des villes annulent leurs marchés de Noel ».

On y apprend que plusieurs villes allemandes n’arrivent plus à défrayer les coûts des mesures de sécurité (blocs de bétons, gardes, périmètres clôturés, fouilles) devenues nécessaires pour protéger les visiteurs des marchés de Noël. Ces mesures se sont imposées depuis quelques années devant la menace grandissante des attentats terroristes islamistes ayant ciblé ceux-ci. Rappelons, par exemple, l’attentat à la voiture bélier de Madgebourg en 2024 qui a fait 5 morts et 200 blessés.

Les marchés de Noël existent en Allemagne depuis au moins le Moyen Âge. Ils constituent une tradition qui s’inscrit dans la célébration d’une fête à la fois chrétienne (la naissance de Jésus), et païenne (la lumière, le solstice d’hiver). Le tout dans la convivialité, la bonne humeur, le Glühwein (vin chaud à la canelle), la cohésion sociale, soit le « vivre-ensemble » typique des sociétés à « confiance élevée » occidentales.

Mais il faut maintenant peut-être parler de cela au passé. Le reflux des marchés de Noël devant la terreur islamiste est un puissant symbole de tout ce qui ne tourne pas rond avec l’immigration en Occident. C’est le canari dans la mine du « vivre-ensemble », un signe clair de l’effritement du tissu social que cause la présence en sol allemand (dans ce cas-ci) de gens, de plus en plus nombreux, portant des valeurs radicalement incompatibles avec celles de leur société d’accueil.

Mais les slogans (« Wir schaffen das »), les bons sentiments et l’empathie suicidaire qui servent d’argumentaire en faveur de l’immigration massive n’arrivent pas à triompher du réel, d’où le besoin de mesures de sécurité toujours plus poussées et plus coûteuses. A travers cela, les islamistes atteignent leur but et annulent graduellement une fête chrétienne.

Récemment, le maire musulman de Londres, M. Sadiq Khan, a inauguré une nouvelle tradition dans sa ville, soit d’orner les grandes artères de « lumières du Ramadan », marquant ainsi le début du mois du jeûne islamique. Une sorte « d’appel à l’islam » lumineux, financé par la Ville de Londres. D’une fête de la lumière à une autre, se diront les naïfs, quelle importance?

Et c’est ainsi que l’on glisse insensiblement d’une civilisation à une autre.

Mettre nos enfants en contact avec la « diversité »?

Mme Rachel Chagnon, doyenne de la Faculté de science politique et de droit de l’UQAM, s’est fait quelque peu connaitre, malheureusement pour nous, en donnant son opinion sur les signes religieux dans les écoles à Radio-Canada dernièrement. Rappelons ses paroles :

« Est-ce que c’est un vrai problème? Est-ce que l’on a des milliers de jeunes enfants dans les écoles en portant des signes religieux ostensibles? Est-ce que mettre nos enfants en contact avec la différence, est-ce si terrible que ça? Est-ce que c’est si épouvantable qu’un petit enfant Québécois soit confronté à la réalité d’un enfant qui a un autre vécu que le vécu catholique, est-ce que c’est si troublant et si épouvantable qu’on doive s’assurer que tous les enfants sont pareils, qu’ils sont tous dans le même moule et, pourquoi pas, tous blonds aux yeux bleus ».

Dans un texte précédent, j’ai analysé la première partie de son affirmation. Voyons maintenant ce qu’il en est pour la deuxième, à savoir si cela est « si terrible » de « mettre nos enfants en contact avec la différence ».

Nos enfants et la « différence »

Premièrement, il est implicite, dans son affirmation « mettre nos enfants avec la différence » que, dans son esprit, « nos enfants » seraient en quelque sorte tous identiques et ne pourraient, en soi, incarner la « diversité ».

C’est parce qu’ils seraient tous, sans doute, de « petits blonds aux yeux bleus »? Outre le grotesque de cette affirmation, depuis quand peut-on réduire un individu à sa couleur de peau ou de cheveux, à son origine ethnique ou à sa religion? Même si l’on assumait que « nos enfants » seraient tous blancs ou blonds, seraient-ils tous identiques pour autant? Cette réduction d’une être humain à un ou deux attributs est une négation de la dignité et de la complexité de la personne humaine.

Ce processus de réduction et d’essentialisation n’est-il pas là l’essence même du racisme? Un racisme bon chic bon genre endossé sur les ondes de la société d’état, sous les rires complices de l’animatrice. Cela est consternant.

Deuxièmement, il est évident que pour Mme Chagnon, une des incarnations de la « diversité », outre la couleur de peau ou des cheveux, seraient les signes religieux. Le voilement des fillettes ne devrait pas être considéré comme une forme de maltraitance, mais comme un simple « vécu ».

La « diversité » dans les écoles

Si l’on va au-delà des signes religieux, est-il vrai que nos enfants ne seraient pas en contact avec la « diversité » dans les écoles? Il ne faut pas avoir mis les pieds dans une école depuis plusieurs décennies pour imaginer que les bambins y sont tous blonds aux yeux bleus.

La figure 1 présente la proportion d’élèves issus de l’immigration dans les écoles publiques du Québec sur la période 1998-2025. Parmi les élèves issus de l’immigration, l’on compte les immigrants de première génération (nés à l’extérieur du Canada) et ceux de deuxième génération (nés au Québec mais avec au moins un parent né hors du Canada).

Figure 1.  Proportion d’élèves issus de l’immigration (1ère et 2ème génération) dans les écoles publiques, ensemble du Québec (1998-2025)

La figure 1 montre que les élèves issus de l’immigration comptaient pour 35,4 % de l’effectif total en 2025, c’est-à-dire que plus d’un élève sur trois est issu de l’immigration. Leur proportion a été multipliée par un facteur 2,5 en 27 ans. De la figure 1, l’on peut conclure que « nos enfants » sont en contact avec la diversité, en moyenne au Québec, sur une base quotidienne.

La figure 2 présente les même données pour le Centre de services scolaires de Montréal.

Figure 2.  Proportion d’élèves issus de l’immigration (1ère et 2ème génération) au Centre de services scolaires de Montréal (1998-2025)

La figure 2 montre que les élèves issus de l’immigration comptaient pour 73,7 % de l’effectif total en 2025, c’est-à-dire que presque trois élèves sur quatre sont issus de l’immigration. Leur proportion a été multipliée par un facteur 1,44 en 27 ans. A Montréal, « nos enfants » sont, depuis 2012 au moins, en minorité dans les écoles.

La figure 3 présente les même données pour le Centre de services scolaires des Découvreurs (à Québec).

Figure 2.  Proportion d’élèves issus de l’immigration (1ère et 2ème génération) au Centre de services scolaires des Découvreurs (1998-2025)

La figure 3 montre que les élèves issus de l’immigration comptaient pour 43,1 % de l’effectif total en 2025. Leur proportion a été multipliée par un facteur 5,2 en 27 ans. Au train actuel, les élèves non issus de l’immigration seront minoritaires dans les classes dans 3,5 ans (au cours de 2028).

Conclusion

Les trois graphiques présentés ici sont représentatifs de la situation à la grandeur du Québec; partout, la proportion d’élèves issus de l’immigration dans les écoles est en augmentation rapide et constante. Au point où la minorisation des élèves non issus de l’immigration est chose faite dans les écoles partout dans la grande région de Montréal.

Elle est aussi en cours dans des villes comme Québec où, au train actuel, elle surviendra d’ici 2028 environ. A la grandeur du Québec, la minorisation surviendra d’ici 19 ans, soit en 2044. Après cette date, les Québécois non issus de l’immigration seront minoritaires dans les jeunes classes d’âge et le deviendront pour toutes les classes d’âge lorsque les plus vieux mourront.

Cette minorisation de « nos enfants » dans les écoles, pour parler comme Mme Chagnon, est sans précédent dans l’histoire du Québec.  

Ces données posent des questions fondamentales.

Des questions comme celles-ci : Comment l’intégration à la majorité historique francophone peut-elle possiblement se faire si celle-ci n’est plus qu’une minorité dans le milieu d’intégration par excellence, soit l’école?

Pourquoi la question de l’école n’est-elle pas au cœur des discussions entourant la politique d’immigration (au lieu d’être un impensé)?

L’on constate que les seuils d’immigration sont nettement excessifs depuis très longtemps lorsque l’on les met en relation avec la capacité d’intégration dans les écoles. Cette capacité d’intégration devrait être déterminée en fonction de l’objectif de maintenir une majorité d’élèves non issus de l’immigration dans toutes les écoles.

Sinon, nous assisterons à la formation de ghettos, prélude à l’implosion du tissu social de notre société.

Qui est déjà largement en cours, à mon avis.

L’immigration de masse : la pompe à fric au service de l’élite

L’agressive campagne médiatique menée actuellement par une partie du patronat en faveur de l’immigration temporaire (exemples : ceci ou cela) a le mérite de nous rappeler les buts réels de la politique d’immigration de masse qui nous est imposée depuis trop longtemps. Cette politique sert les intérêts financiers de l’élite et n’est nullement au service du bien commun.

La politique d’immigration de masse n’a pas la rationalité économique qu’on lui prête communément, c’est-à-dire qu’elle n’apporte pas de bénéfices économiques collectifs. Du moins, pas avec les seuils excessifs qui sont les nôtres depuis plus d’une vingtaine d’années au Québec. Les dernières années ont d’ailleurs vu l’explosion en vol de tous les arguments économiques avancés pour la justifier (pénurie de main-d’œuvre, enrichissement collectif, maintien du ratio de dépendance, etc.), arguments qui ont été invalidés -par l’expérience et les faits- les uns après les autres. Et si l’on nous ressert encore les mêmes lignes à l’occasion, on voit bien que le cœur n’y est plus et que plus personne n’y croit.

L’utilisation de l’immigration de masse comme outil d’enrichissement de l’élite est bien décrite dans le livre de Peter Turchin « Le chaos qui vient : Élites, contre-élites et la voie de la désintégration politique » (Le cherche-midi, 2023), lecture que je vous recommande chaudement. Ainsi, selon lui, l’immigration de masse agit comme une « pompe à richesse » qui déprime les salaires réels de ceux qui se situent en bas de l’échelle sociale et transfère l’argent vers le haut : vers les propriétaires d’entreprises, d’immeubles à logement, les banques et, en général, vers ceux qui détiennent un capital substantiel. Le livre fourmille de références historiques passionnantes de ce phénomène.

Par exemple en France en 1250 (p.69) « l’appauvrissement des classes populaires s’est révélé fructueux pour les élites, qui tirent profit de rentes foncières élevées, de salaires bas et de la hausse du prix des denrées alimentaires. En d’autres termes, la surpopulation massive du XIIIe siècle avait créé une pompe à richesse alimentant les propriétaires terriens aux dépens des paysans ». Et aux États-Unis, autre exemple, après plusieurs décennies d’immigration massive, la « pompe à richesse » travaillant du bas vers le haut a été inversée efficacement par l’adoption de lois sur l’immigration en 1921 et 1924, qui ont permis de réduire l’offre de main-d’œuvre et d’augmenter les salaires réels sur « plusieurs décennies » (p.223).

Les arguments usuels (faux) en faveur de l’immigration de masse étant en panne, il ne reste donc maintenant que les virulentes sorties médiatiques de propriétaires d’entreprises qui viennent alternativement tenter de susciter la pitié ou nous menacer collectivement de ruine si leurs intérêts particuliers ne sont pas priorisés au détriment de ceux de la collectivité. Leur message est clair : réduire le nombre d’immigrants temporaires au Québec (il y en a plus de 616 000!) va entrainer de graves conséquences économiques. Cela, convenons-en, est peut-être vrai en particulier, mais est faux de façon globale.

Il faut plutôt regarder le portrait d’ensemble : réduire (drastiquement!) le nombre d’immigrants temporaires va bénéficier à l’ensemble de la société qui va voir la crise du logement s’atténuer (cela a déjà commencé), les loyers baisser, la pression sur les écoles et les services de santé diminuer et les salaires réels augmenter. Sans parler de la question du français.

Mais de tout cela, il n’est guère question dans les médias. C’est presque comme si ceux-ci étaient au service de l’élite.

Crise du logement et immigration : chez la droite de Québec, le déni persiste.

Un lecteur, peu soucieux de mon repos durant mes vacances, m’a envoyé un balado de Ian et Frank portant sur la crise du logement et l’immigration avec comme invité l’économiste Vincent Geloso.

Le point de départ de ce balado serait un « feud » (?) ayant eu lieu entre M. Geloso et moi le 26 mai 2025 sur X. Voici une copie d’écran du bref échange entre nous:

Dans cet échange, je réagissais à l’affirmation de M. Geloso à l’effet que la crise d’abordabilité du logement découlerait « directement » du manque d’offres de logement. Dans son tweet, celui-ci pointait du doigt des citoyens qui s’opposent à la densification de leur quartier et qui seraient donc responsables, en partie, doit-on comprendre, de la hausse du prix des logements.

M. Geloso semble penser que si seulement on pouvait passer outre aux  protestations des citoyens, le prix des logements baisserait et la crise serait réglée. De plus, les promoteurs privés feraient de l’argent, les banques et les villes aussi. En somme, tout le monde y trouverait son compte, sauf quelques personnes qui verraient leur qualité de vie en prendre un coup. Mais cela serait le prix à payer pour le bien commun, en quelque sorte.

Pendant des années et des années, le fédéral, par la bouche de Marc Miller, a traité de raciste et de xénophobe toute personne qui osait faire un lien entre la stimulation de la demande de logements via l’immigration et la hausse des prix de ceux-ci. L’inénarrable André Pratte du PLQ s’en est même mêlé pour affirmer que « Ce ne sont pas tellement les seuils d’immigration qui posent problème, mais plutôt notre volonté collective à prendre les moyens pour bien accueillir les nouveaux arrivants ». C’est la même posture unilatérale, moralisatrice et culpabilisatrice qui nous est souvent servie par le Devoir sous la plume de la « journaliste » Sarah R. Champagne, par exemple. L’IRIS est allée jusqu’à écrire en 2023 que la crise du logement découlait d’un manque « d’encadrement » gouvernemental; dans cette vision, plus de règlements et plus de lois nous permettraient de faire baisser les prix des logements et d’accueillir un nombre quasi illimité d’immigrants.

Le régime fédéral, ses relais au Québec ainsi que la gauche woke alliée à Ottawa a ainsi nié avec la dernière énergie, pendant des années, le lien entre l’immigration et la crise de logement.

Une fissure dans ce discours est apparue seulement lorsque de grandes banques canadiennes ont commencé à s’inquiéter. La Banque nationale, par exemple, a jeté un sérieux pavé dans la mare en publiant en 2024 une étude qui indiquait que le Canada était pris dans un « piège démographique » qui a, écrit-elle, « historiquement toujours été réservé aux économies émergentes » (traduction : le Canada se tiers-mondialise!). Non seulement « la population croît si rapidement que nous n’avons pas assez d’épargne pour stabiliser notre ratio capital-travail et augmenter le PIB par habitant » mais le déficit de l’offre de logements a atteint un creux historique en 2024 et pour « réduire l’inflation des coûts de logement, le Canada devrait doubler sa capacité de construction à environ 700 000 mises en chantier par an, un objectif inatteignable » (c’est moi qui souligne). La Banque nationale jugeait donc que la stimulation de la demande via l’immigration était si extrême qu’il était irréaliste de prétendre pouvoir ajuster l’offre en conséquence. Ce n’est pas rien.

Le prix des logements est le résultat des mécanismes de marché et de l’équilibre entre la demande et l’offre; les deux variables de cette équation entrent en ligne de compte pour ce qui est de la détermination des prix. Voilà qui constitue le raisonnement économique de base.

Pendant des années, une censure malsaine a bloqué la simple évocation du côté « demande » de l’équation, qui passait complètement à la trappe dans le discours public. Mais depuis 2024, sous la pression des grandes banques (et de la réalité), cette censure a reculée.

Aussi est-il étonnant de voir qu’une partie de la « droite de Québec » continue à évacuer le terme « demande » de l’équation « demande et offre ». Or la censure sur la discussion de la demande a contribué grandement, selon moi, à nous entrainer dans la catastrophe que l’on vit actuellement en logement.

La forme

Le bref échange sur X entre M. Geloso et moi sert de point de départ pour un balado de plus d’une heure. Balado où mon tweet et mon nom figurent en introduction sans que j’aie été invité à défendre mon point de vue, ce qui constitue une impolitesse.

L’invité du balado, M. Geloso, peut alors exposer son opinion en long, en large et en travers, devant deux animateurs totalement acquis à ses idées (Ian et Frank), qui boivent ses paroles et ne lui envoient que des questions en forme de « softball ».

Le balado a pour titre « L’immigration est-elle LA cause de la crise du logement ? » (les majuscules ne sont pas de moi). Déjà, par le titre, l’on présente la chose en faisant comme si certains (moi?) pensaient ou affirmaient que l’immigration était LA cause, ce qui sous-entend l’unique cause, de la crise de logement. Cette position, à ma connaissance, n’est défendue par personne. Mais le procédé est utile pour s’attaquer à un adversaire en caricaturant ses positions. Surtout si celui-ci n’est pas en mesure de se défendre. Cette stratégie rhétorique éprouvée porte d’ailleurs le nom de « l’épouvantail » ou « l’homme de paille ».

Comme exemples du sophisme de l’épouvantail abondamment utilisé au cours de ce balado, voici ce que Ian affirme (à 2:09) « PSPP sort et dit c’est à cause des immigrants qu’on n’est pas capable d’avoir des logements et on s’est fait voler le rêve d’avoir notre habitation par le gouvernement fédéral et sa politique migratoire ». A ma connaissance, le Chef du parti québécois n’a jamais affirmé une telle chose. PSPP, dans ses sorties sur X (exemple ici), a toujours pris grand soin de parler de la « politique d’immigration » et non des « immigrants ». La distinction entre les deux est cruciale : il ne blâme jamais les immigrants, les individus, en soi, mais la politique d’immigration, qui est le cadre idéologique et institutionnel mis en place par le gouvernement du Canada (et du Québec).

D’autres exemple? Frank (3:43) « c’tu vrai que les métèques nous volent nos maisons? », Ian (3:56): « Je trouve qu’on casse du sucre sur le dos des immigrants », Vincent (4:47): « Les immigrants augmentent le prix du logement? », etc.

Confondre sciemment « politique d’immigration » et « immigrants » est une stratégie rhétorique utilisée par certains pour laisser sous-entendre que les opposants à la politique d’immigration actuelle s’opposeraient aux individus, c’est-à-dire qu’ils seraient, in fine, des racistes. Ce qui est bien entendu odieux.

Plus loin dans le balado, l’accusation de racisme est explicite, Ian nous expliquant doctement que la crise du logement ne serait qu’un prétexte commode pour justifier un racisme préexistant (9 :03) : «  Avant d’avoir la crise du logement, ce qu’on nous disait c’est que les immigrants viennent ici pour consommer nos services sociaux, that’s it that’s all, c’est ça qui fait qu’on a des déficits… Quand arrive la crise du logement, ils sautent là-dessus comme la misère sur le pauvre monde, ben évidemment, parce qu’ils se disent que on peut en plus dire que ces gens viennent acheter des maisons ».

La « droite de Québec » verse donc dans les mêmes accusations de racisme qui nous ont longtemps été servies par le régime fédéral et ses relais. Cela illustre, selon moi, la proximité idéologique de cette droite avec le régime fédéral (j’en ai parlé ici).

Passons également sur l’utilisation abondante du terme de dérision « caribous » tout au long du balado pour désigner ceux qui font un lien entre l’immigration et la crise du logement. Un des animateurs du balado se plaint pourtant régulièrement, sur les médias sociaux, d’un manque de civilité dans la discussion avec les dits « caribous ». Disons qu’il ne prêche guère par l’exemple.

Le fond

A 2:27 l’on affirme que « Vincent lui y’a des études », ce qui signifie que M. Geloso est rationnel et documenté alors que ses opposants ne le seraient pas. Voilà une affirmation pour le moins périlleuse.

Je me permets de résumer le propos de M. Geloso tenu au cours du balado (correctement, j’espère), il affirme :

1) qu’il est vrai que les prix peuvent augmenter en stimulant la demande, mais que cela résulte du fait que la partie « offre » de l’équation n’est pas aussi « élastique » qu’elle pourrait l’être, c’est-à-dire qu’il serait possible de construire beaucoup plus de logements en libéralisant le marché de la construction et en faisant sauter les règlements tatillons qui restreignent artificiellement, selon lui, l’offre .

2) que la hausse de prix n’est pas grave en autant que l’immigration nous « enrichisse », c’est-à-dire qu’elle vienne hausser la productivité, donc le PIB par habitant. Encore là, pour que l’immigration nous enrichisse, il faudrait faire tomber les lois et règlements qui entravent cette productivité, par exemple, les exigences des ordres professionnels qui restreignent le droit de pratique au Québec des médecins algériens (un des exemples utilisés).

La constante entre 1) et 2) est l’idée que c’est l’État, en entravant les mécanismes de marché, qui empêche non seulement de s’enrichir avec l’immigration mais aussi d’ajuster l’offre de logement.

Ce avec quoi je ne suis pas en total désaccord. Je trouve aussi que la multiplication de la bureaucratie et des règlements en tout genre a atteint un point de folie dans nos sociétés et que ceux-ci nuisent plutôt qu’ils n’aident. Que le poids de l’état dans l’économie, passé un certain seuil, entraine une diminution de la productivité globale. Que le droit du logement au Québec pèse pas mal en faveur des locataires, par exemple, avec l’absence de caution versée au début d’une location pour garantir les dommages éventuels, ce qui est une pratique standard à peu près partout ailleurs. Je pense aussi que le modèle Québécois issu de la Révolution tranquille arrive en fin de course et qu’il faut faire de profonds ajustements.

J’estime cependant que M. Geloso verse dans la pensée magique en affirmant qu’une simple surdose de libéralisme suffirait à contrecarrer un choc de la demande comme nous en vivons un depuis des années à cause de l’immigration massive. Mettons les choses en perspective : Le taux de croissance de la population du Canada en 2023 était de 3,2%, ce qui le classe ex-aequo plusieurs pays africains (où la croissance est plutôt organique). A ma connaissance, un tel choc sur le logement ne s’est jamais produit sur une aussi grande échelle dans un autre pays, à part l’Australie, qui souffre également, coïncidence étrange, d’une crise de logement carabinée.

Il est toujours possible de prétendre qu’en faisant telle ou telle chose autrement, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais cela me semble être une fuite dans une réalité alternative et un refus de voir en face la réalité telle qu’elle est. Ce qui m’a toujours intéressé, c’est de comprendre le monde tel qu’il est et non tel que j’aimerais qu’il soit. La nuance est fondamentale.

Pour ce qui est des études, l’OCDE a justement publié une étude portant sur la réalité du Canada en mai 2025. On y a apprend que :

1)La croissance du PIB par habitant est inférieure à celle d’autres pays de l’OCDE et stagne depuis une dizaine d’années, soit depuis la décision de M. Trudeau d’augmenter massivement les seuils d’immigration (un hasard?). La constatation empirique est que l’immigration massive des 10 dernières années ne semble pas nous enrichir.

2) Le prix réel des logements au Canada a augmenté de façon stratosphérique au cours des 18 dernières années, paupérisant une bonne partie de la population (surtout les plus pauvres) :

3) La croissance de productivité des entreprises au Canada est très médiocre :

L’OCDE écrit même que (p.20) « La forte immigration récente, en particulier de résidents non permanents, a créé des tensions sur le marché du logement ».

Pour l’OCDE, la partie « demande » est donc importante. Nul doute que les économistes de l’OCDE gagneraient à se faire expliquer par M. Geloso qu’il faut se concentrer sur l’élasticité de l’offre plutôt que sur la demande.

Statistique Canada a aussi publié en juin 2025 une étude qui a pour titre «  Immigration and housing prices across municipalities in Canada ». Cette étude est de nature empirique, basée sur des données à la grandeur du Canada, et modélise la part de la hausse du prix des logements attribuable directement à l’immigration sur la période 2006-2021.

Les auteurs soulignent, sans surprise, que les prix des logements dépendent de plusieurs facteurs : « La relation entre l’immigration et les prix des logements a varié au fil du temps et selon les régions, soulignant que l’immigration n’est pas le seul facteur influençant les prix des logements. Son impact est souvent conditionné par les conditions économiques locales, les politiques de logement et les défis de l’offre, ainsi que par d’autres facteurs régionaux qui changent au fil du temps. » L’élasticité de l’offre atténue la hausse des prix, cela est exact et M. Geloso a raison sur ce point.

Mais les auteurs arrivent tout de même à la conclusion que l’immigration a bien conduit à des hausses importantes de prix sur la période étudiée (qui n’inclut malheureusement pas les années record 2023 et 2024) : « Les résultats montrent que, sur la période d’étude, l’augmentation de l’afflux de nouveaux immigrants, arrivés au Canada au cours des cinq dernières années, était en moyenne associée à une hausse de 11 % des valeurs médianes des maisons et à une augmentation similaire des loyers médians dans les municipalités comptant au moins 1 000 habitants. Cette association était particulièrement plus marquée dans les grandes municipalités. Dans les 53 municipalités comptant plus de 100 000 habitants, qui ont ensemble attiré plus de 80 % des nouveaux immigrants, l’augmentation des nouveaux immigrants était liée à une hausse substantielle de 21 % des valeurs médianes des maisons et de 13 % des loyers médians ». Globalement, l’immigration est responsable d’une partie de la hausse des prix, même si cette hausse n’est pas égale partout.

Une autre étude récente de la SCHL démontre que la limitation des flux d’immigration décidée récemment par le fédéral (surtout pour les temporaires) contribue à faire baisser les loyers au Canada. Il y a donc, pour parler en termes épidémiologiques, un effet dose-réponse, ce qui indique qu’il s’agit non pas seulement d’une corrélation, mais d’une relation causale.

D’autres économistes démontrent l’étroite corrélation entre l’immigration et les prix :

Notons que même l’ineffable Marc Miller, dans un revirement spectaculaire, est maintenant d’accord qu’il existe bel et bien un lien entre les seuils d’immigration et le prix des logements.

Conclusion

Par ailleurs, si l’on revient àl’article de la Presse cité par M. Geloso dans son tweet du 26 mai, l’on constate que des citoyens se sont mobilisés pour tenter de faire échec au projet d’un promoteur privé de construire deux tours à condos de 13 étages et que les raisons citées touchent non seulement à la qualité de vie des citoyens mais aux limites des infrastructures: «  On continue de construire sans se préoccuper de la capacité d’accueil ni des infrastructures qui sont déjà insuffisantes au moment présent. On ne peut pas continuer de développer éternellement. À un certain moment, la limite sera atteinte  ». L’ensemble des infrastructures (égouts, réseau électrique, autoroutes, transport collectif, écoles, etc.) n’a jamais été dimensionnée pour accueillir une telle densification : cela est un autre point ignorée dans l’analyse de M. Geloso. Pour prouver que l’offre est « élastique », il faut faire l’analyse sur l’ensemble des infrastructures urbaines.

En outre, densifier à tout prix touche également au droit des citoyens de peser sur la vision urbanistique de leur ville et de préserver leur qualité de vie. Cet aspect des choses n’est également pas abordé dans le balado.

Les citoyens, qui n’ont jamais été consultés sur l’immigration massive, sont maintenant sommés d’en subir les conséquences en se la bouclant et en acceptant des reculs de leur qualité de vie. Que cela, évidemment, affecte surtout les plus pauvres, ne devrait pas nous autoriser à passer pour autant cette question sous le tapis.

En résumé, est-ce que Ian, Frank et M. Geloso seront parmi les derniers (en compagnie d’André Pratte), à affirmer que : « Ce ne sont pas tellement les seuils d’immigration qui posent problème, mais plutôt notre volonté collective à prendre les moyens pour bien accueillir les nouveaux arrivants »?

Le Canada importe des chômeurs

Statistique Canada publie mensuellement une « Enquête sur la population active » où un suivi longitudinal de variables reliées à l’activité économique, telles que le taux de chômage et d’emploi, est effectué.

Les données du mois d’avril 2025 ont été rendues disponibles le 9 mai. L’on y apprend que le taux de chômage au Canada a continué à augmenter, s’établissant à 6,9% en avril 2025 (+1,8 points depuis 2 ans) et que le taux d’emploi a continué à diminuer, atteignant 60,8% (-1,7 point en 2 ans). La hausse du taux de chômage est particulièrement rapide chez les jeunes de 15 à 24 ans où il atteint maintenant 14,1%, en nette rupture avec la moyenne pré-COVID19 de 10,8%.

Si le taux de chômage est un concept bien connu, le taux d’emploi l’est moins. Ce dernier est particulièrement intéressant car il correspond à la fraction de la population occupant un emploi et, contrairement au chômage, il se calcule en incluant à la fois les personnes actives et inactives (qui ne sont pas à la recherche d’un emploi) au dénominateur. Le taux d’emploi permet donc de suivre l’évolution réelle de la contribution de la population à l’économie.

Statistique Canada note que « Le taux d’emploi a suivi une tendance à la baisse pendant la majeure partie de 2023 et de 2024, la croissance de la population ayant dépassé la croissance de l’emploi ». Il semble que le Canada, avec l’une des politiques d’immigration de masse les plus débridées au monde, rajoute depuis plusieurs années, avec l’immigration, de l’aveu même de Statistique Canada, quantité de chômeurs et d’inactifs à sa population active.

Importer des chômeurs et des inactifs

Voyons l’évolution des choses sur la période d’avril 2023 à avril 2025. Le bloc principal qui forme la population active, celui des 15-54 ans, a augmenté de 1 642 500 personnes durant cette période 24 mois, soit une croissance de 8,2% depuis avril 2023. Une croissance, soulignons-le, absolument phénoménale, record, démentielle. Pour comprendre un peu ce que cela signifie, à ce taux de croissance, la population des 15-54 ans aura doublé au Canada dans 17 ans, pour atteindre 40,5 millions à elle seule en 2042, soit l’équivalent de la population actuelle totale du Canada.

Durant cette même période 2023-2025, le nombre d’emplois au Canada a augmenté de 711 500, une croissance de 3,5%. La croissance de la population inactive ou au chômage dépasse donc de 931 000 personnes celle des emplois!

Dans les deux dernières années, le Canada a connu un solde migratoire total frisant les 2 millions de personnes, en incluant les autres groupes d’âge (les 0-14 ans et les 55 ans et plus). La hausse de la population active de 15-54 ans est due presque entièrement à l’immigration. Le Canada a donc fait venir presque un million de personnes de trop -relativement au nombre d’emplois créés – personnes qui sont allées gonfler les rangs des inactifs ou de ceux au chômage parmi la population des 15-54 ans. Et c’est sans compter les 0-14 ans qui s’ajoutent sur les bancs d’école, ainsi qu’un nombre non négligeable d’immigrants de 55 ans et plus, qui s’ajoutent ou s’ajouteront bientôt aux rangs des retraités sans jamais avoir contribué de façon significative aux caisses de retraite.

Même dans les groupes d’âge d’immigrants qui sont supposés venir tonifier les rangs des travailleurs, pour compenser les départs à la retraite nous dit-on, l’on constate depuis 2 ans une baisse généralisée des taux d’emploi selon la classe d’âge et le statut migratoire (tableau 1). Cette baisse du taux d’emploi n’épargne personne mais touche particulièrement sévèrement les 15-24 ans qui subissent une érosion de leur taux d’emploi de 8,4 % (pour ceux nés au Canada) à 13,2 % (pour les immigrants depuis 10 ans et plus).

Tableau 1 : Taux d’emploi en fonction de la classe d’âge et du statut migratoire sur la période 2023-2025

Statut migratoireAvril 2023Avril 2025Différence (%)
15-24 ans
Nés au Canada57,252,4-8,4
Immigrants depuis 5 ans et moins51,546,1-10,5
Immigrants depuis 10 ans et plus55,548,2-13,2
25-54 ans
Nés au Canada85,785,0-0,8
Immigrants depuis 5 ans et moins77,276,7-0,6
Immigrants depuis 10 ans et plus84,982,3-3,1

Notons aussi, au tableau 1, que le taux d’emploi des immigrants, même des immigrants présents depuis 10 ans ou plus, est systématiquement inférieur à celui des personnes nées au Canada. Cela est un signe que l’intégration économique effective des immigrants prend beaucoup, beaucoup de temps.

L’institut Fraser, dans l’une des seules études sur le sujet jamais faite au Canada, avait estimé en 2013 que l’immigration imposait, précisément à cause des taux d’emploi et des revenus généralement inférieurs des immigrants, un fardeau fiscal d’environ 20 milliards de dollars par année au Canada. Comme le Canada admettait à l’époque environ quatre fois moins d’immigrants par année comparativement à aujourd’hui, il faudrait multiplier ce montant par un facteur d’au moins quatre, ce qui signifie que les charges sociales reliées à l’immigration équivalent à environ 18% des dépenses annuelles courantes du gouvernement canadien.

Le fiasco économique de l’immigration de masse

Ces données expliquent en partie la stagnation du produit intérieur brut (PIB) par habitant que l’on constate au Canada depuis une dizaine d’années; on dilue la valeur des biens et services produits en gonflant, via une immigration excessive, le nombre d’inactifs et de chômeurs plus rapidement que le PIB n’augmente. C’est une illustration du « piège démographique » évoqué par l’économiste Stéfane Marion de la Banque Nationale, piège causée par une politique d’immigration totalement déconnectée de l’économie réelle.

Non seulement la politique d’immigration canadienne mené depuis la prise de pouvoir du Parti libéral du Canada en 2015 ne nous « enrichit » pas comme il est très souvent affirmé, elle nous appauvrit. Et pas qu’un peu.

Ce qui force la question fondamentale : quel est l’objectif réel de la politique d’immigration du Canada?

Cet objectif n’est clairement pas de nature économique.