Le nombre, le nombre, le nombre

Dans une scène mémorable du film « Le déclin de l’Empire américain », le personnage joué par Rémy Girard, un prof d’histoire de l’université de Montréal, explique que trois choses comptent en Histoire : « Premièrement le nombre, deuxièmement le nombre, et troisièmement le nombre. Ça veut dire que les noirs Sud-africains finiront certainement un jour par gagner alors que les noirs nord-américains n’arriveront probablement jamais à s’en sortir. Ça veut dire aussi que l’Histoire n’est pas une science morale. Le bon droit, la compassion, la justice sont des notions étrangères à l’Histoire ».

Ce petit discours m’est revenu en tête à la lecture de la dernière étude publiée par le Commissaire à la langue française le 10 novembre dernier, intitulée « La mixité dans les milieux de vie selon le groupe linguistique et la génération d’immigration ».

Derrière le vernis techno-bureaucratique, cette étude est le document le plus effrayant, le plus épouvantable jamais publié par une instance officielle du gouvernement du Québec.

Pourquoi? Car c’est la démonstration mathématique, implacable, de notre minorisation -celle du peuple historique de langue française- en cours. Une minorisation qui ne relève pas d’un fantasme lointain ou d’une quelconque théorie du complot; une minorisation qui est un fait, qui est accomplie déjà sur de grandes parties du territoire et qui sera bientôt complétée pour l’ensemble du Québec.

L’effondrement de la majorité historique francophone dans les écoles primaires et secondaires

C’est à la page 72, en annexe, que l’on trouve un tableau indiquant « L’évolution de la proportion d’élèves de troisième génération ou plus selon l’ordre et le réseau d’enseignement ». Ces « élèves de 3ème génération ou plus », rappelons-le, sont ceux nés au Canada de deux parents nés au Canada alors que les 2ème génération sont ceux nés au Canada avec au moins un parent né à l’étranger tandis que les 1ère génération sont ceux nés à l’étranger.

La proportion de 3ème génération (ou plus) peut être comprise, grosso modo, comme étant la proportion de Québécois francophones, d’origine canadienne-française ou s’y étant intégrée il y a longtemps, qui compose l’effectif scolaire (surtout dans les Centres de services scolaires de langue française, cela dit).

Bien sûr, ce type d’analyse comporte plusieurs limitations : un 2ème génération, surtout si l’enfant est issu d’un mariage mixte, peut être bien intégré dépendant de l’origine des parents, du milieu d’accueil, etc. Cependant, le ministère de l’Éducation ne collecte aucun autre type de donnée et en conséquence, nulle autre analyse n’est réalisable. Mais l’utilisation du statut d’immigration au lieu d’autres indicateurs potentiellement plus précis ne change pas, selon moi, les conclusions générales.

La figure 1 reproduit le Tableau B18 en question.

L’on constate, à la figure 1, que la proportion de 3ème génération et plus dans l’effectif scolaire préscolaire, primaire et secondaire est passée de 83,6% en 2004-2005 à 64,1% en 2024-2025, soit une chute de 23,3% en 20 ans seulement.

Cela n’est pas une « baisse », c’est un effondrement sans précédent dans l’histoire du Québec. Répétons-le : une telle chose, d’une telle rapidité et d’une telle brutalité, n’est jamais arrivée auparavant.

Si l’on savait que le plancher des 80% de francophones avait été défoncé sur le plan de la langue maternelle (76,3%) et de la langue parlée le plus souvent à la maison (79,1%) depuis le recensement de 2021 (voir mon texte « La fin de l’éternité »), ces chiffres valaient pour la population en général et la majorité francophone, bien qu’en baisse, restait une majorité.

Cette étude du Commissaire nous fournit cependant un portrait de la situation dans les classes d’âge scolaire. Et il est dantesque : Les 3ème génération sont maintenant minoritaires dans les écoles partout dans le grand Montréal et en baisse rapide à peu près partout ailleurs (p.71) : ils sont 29,1% seulement à la CSS de Montréal, 36,3% à Marie-Victorin (Longueuil), 56,2% aux Découvreurs (Québec), 18,1% (!!!) à la Pointe-de-l’ile, 47,5% aux Portages-de-l’Outaouais, 69,9% dans la Région-de-Sherbrooke, etc.

La fiction de l’intégration

L’intégration est d’abord une question de rapport de force démographique. Elle a peu à voir avec « l’ouverture », la « gentillesse », le « cœur », etc., bien que ces qualités puissent rendre le processus plus agréable que moins. On s’intègre, processus long, pénible et plein de deuils, par la force des circonstances, le plus souvent parce qu’on désire améliorer son sort et  donner un avenir plus intéressant à ses enfants, parce qu’on a fait le choix de se déraciner.

Des études ont déjà démontré qu’en bas de 80% de francophones (langue maternelle) dans un lieu donné, les immigrants au Québec ne s’intégraient pas à la « majorité francophone » et convergeaient plutôt massivement vers l’anglais. Pour que l’intégration se fasse, il faut que la « majorité » existe réellement, charnellement, dans les institutions intégratrices, comme l’école. L’intégration ne peut se faire dans un contexte où la société d’accueil disparait de celles-ci.

Aujourd’hui, partout dans les régions majeures de contact avec les immigrants au Québec, les 3ème génération sont maintenant en minorité dans les écoles. Le contact des élèves issus de l’immigration avec des Québécois et donc avec la langue française mais aussi avec la culture québécoise est de plus en plus évanescent. Le français est donc rétrogradé à une langue scolaire, utilisée passivement lorsque requis alors que la langue de socialisation, de culture est de plus en plus l’anglais. Le rapport de force démographique qui existait auparavant et qui permettait (en partie) l’intégration a été pulvérisé sur de larges pans du territoire.

Akos Verboczy, dans son livre « Rhapsodie québécoise : itinéraire d’un enfant de la loi 101 » avait fait le portrait du mépris qui régnait envers la culture québécoise dans son école secondaire -où les Québécois de souche étaient presque totalement absent- du Notre-Dame-de-Grâce dans les années 90. Mais ce phénomène, qui était circonscrit à quelques écoles à très haute densité d’élèves issus de l’immigration situées dans l’ouest de Montréal il y a trente ans, s’est maintenant généralisé à l’ensemble de la grande région de Montréal et est en train de métastaser à Québec, Sherbrooke, Trois-Rivières, etc. Le Québec au complet est en train de se « westislandiser ».

Avec cet éclairage, toute une série d’évènements en apparence disparates qui ont fait surface dans les dernières années s’ordonnent et prennent leur place dans un cadre logique. On peut mieux comprendre, par exemple, cette chronique coup de poing de Jean-François Lisée (« Identité anti-québécoise ») publiée en février 2024, qui rassemblait un ensemble impressionnant d’anecdotes sur le mépris du Québec et de la culture québécoise qui règne dans de nombreuses écoles de langue française dans le grand Montréal. Ou ce papier du JdeM d’avril 2024 (« Le français boudé dans des écoles: «C’est juste “inconvenient” pour moi» ») qui montrait que l’anglais est maintenant la langue commune dans nombre d’écoles. Ou cette lettre crève-cœur, à lire absolument, (« Longtemps j’ai refoulé mon identité québécoise » ) d’une jeune québécoise ayant été scolarisée dans une école à majorité immigrante à Laval il y a 20 ans et qui en est venue, afin de « s’intégrer », à avoir honte de son identité québécoise. Ou ce documentaire (« Garçons, un film de genre »), où des jeunes filles d’une école de Gaspésie en visite dans une école de Montréal-Nord se font fait traiter de « plotte gaspésienne » et « d’estie de blanche ». Le directeur d’école de Montréal-Nord intervient même pour dire que la « présence d’un paquet de blancs » dans son école a causé un « effet de curiosité ». En effet.

Sur de grandes parties du territoire québécois, le tissu social dans les écoles est déchiré. Nous sommes face à un échec retentissant non seulement de la loi 101, mais de l’ensemble de notre politique d’immigration, échec qui ira grandissant au fur et à mesure que les québécois francophones seront minorisés de plus en plus profondément partout au Québec.

Le point de bascule, celui où nous passerons en bas du 50% dans les classes d’âge scolaire, sera atteint, au rythme actuel, d’ici un peu plus de 10 ans (demain!) pour l’ensemble du Québec.  

Après cela, un verrou démographique sera posé sur notre avenir, et la majorité historique francophone -maintenant minorité- sera dépouillée à jamais de la possibilité de décider de son avenir politique.

L’union des forces pour détruire la majorité francophone au Québec

La minorisation des Québécois francophones dans les écoles, qui sera terminée bientôt, est l’accomplissement d’un très vieil objectif d’Ottawa, formulée d’abord explicitement par Lord Durham, qui était « d’oblitérer la nationalité » des Canadiens-français. La mise en minorité des francophones à la grandeur du Canada allait permettre de repousser le danger de l’indépendance du Québec et conduire au pays rêvé unitaire, anglophone. Cet objectif, reformulé récemment en termes purement économiques par le lobby Century Initiative est une constante de la politique intérieure du Canada depuis des siècles.

Dans les dernières décennies cependant, dans une belle démonstration « d’intersectionnalité », deux autres courants idéologiques sont venus en renfort de cet objectif, soit l’immigrationnisme économique du patronat et le postmodernisme héritier du marxisme. Le premier réduit les êtres humains à un intrant déplaçable à volonté afin de répondre aux besoins de l’usine globale et le second a remplacé la figure du peuple par celle de l’immigrant et cherche, en instrumentalisant ceux-ci, à détruire l’ordre social occidental traditionnel fondé sur des peuples historiques, enracinés, en majorité d’ascendance européenne.

La conjonction de ces trois courants a produit une force quasi irrésistible qui est en train d’accomplir ce que l’Acte d’union de 1840, la Confédération de 1867 n’ont pas réussi.

Rompre avec une politique d’immigration suicidaire

La noyade des 3ème génération se produit parce que les seuils d’immigration sont excessifs et depuis fort longtemps (au moins 25 ans).

Si l’intégration des immigrants était un objectif important pour le Québec, alors les seuils d’immigration seraient déterminés, en grande partie car les enfants sont l’avenir d’un peuple, en fonction de la capacité d’accueil des écoles.

Le nombre d’immigrants accueillis chaque année devrait être celui (essentiellement) qui permet de maintenir une très nette majorité, que l’on peut fixer à 80%, d’élèves de 3ème génération ou plus dans les écoles, idéalement dans chaque école et Centre de service scolaire à la grandeur du territoire.

Ce seuil de 80% ayant été défoncé un peu partout, cela signifie concrètement que nous avons besoin d’un moratoire à peu près total sur l’immigration; il faut arrêter de creuser, avec un enthousiasme morbide, notre propre tombe collective.

Car à moins d’un changement de cap majeur, nous allons nous aussi comprendre, dans notre chair et dans l’agonie de notre peuple et de notre culture, que « le bon droit, la compassion, la justice sont des notions étrangères à l’Histoire ».

Mettre nos enfants en contact avec la « diversité »?

Mme Rachel Chagnon, doyenne de la Faculté de science politique et de droit de l’UQAM, s’est fait quelque peu connaitre, malheureusement pour nous, en donnant son opinion sur les signes religieux dans les écoles à Radio-Canada dernièrement. Rappelons ses paroles :

« Est-ce que c’est un vrai problème? Est-ce que l’on a des milliers de jeunes enfants dans les écoles en portant des signes religieux ostensibles? Est-ce que mettre nos enfants en contact avec la différence, est-ce si terrible que ça? Est-ce que c’est si épouvantable qu’un petit enfant Québécois soit confronté à la réalité d’un enfant qui a un autre vécu que le vécu catholique, est-ce que c’est si troublant et si épouvantable qu’on doive s’assurer que tous les enfants sont pareils, qu’ils sont tous dans le même moule et, pourquoi pas, tous blonds aux yeux bleus ».

Dans un texte précédent, j’ai analysé la première partie de son affirmation. Voyons maintenant ce qu’il en est pour la deuxième, à savoir si cela est « si terrible » de « mettre nos enfants en contact avec la différence ».

Nos enfants et la « différence »

Premièrement, il est implicite, dans son affirmation « mettre nos enfants avec la différence » que, dans son esprit, « nos enfants » seraient en quelque sorte tous identiques et ne pourraient, en soi, incarner la « diversité ».

C’est parce qu’ils seraient tous, sans doute, de « petits blonds aux yeux bleus »? Outre le grotesque de cette affirmation, depuis quand peut-on réduire un individu à sa couleur de peau ou de cheveux, à son origine ethnique ou à sa religion? Même si l’on assumait que « nos enfants » seraient tous blancs ou blonds, seraient-ils tous identiques pour autant? Cette réduction d’une être humain à un ou deux attributs est une négation de la dignité et de la complexité de la personne humaine.

Ce processus de réduction et d’essentialisation n’est-il pas là l’essence même du racisme? Un racisme bon chic bon genre endossé sur les ondes de la société d’état, sous les rires complices de l’animatrice. Cela est consternant.

Deuxièmement, il est évident que pour Mme Chagnon, une des incarnations de la « diversité », outre la couleur de peau ou des cheveux, seraient les signes religieux. Le voilement des fillettes ne devrait pas être considéré comme une forme de maltraitance, mais comme un simple « vécu ».

La « diversité » dans les écoles

Si l’on va au-delà des signes religieux, est-il vrai que nos enfants ne seraient pas en contact avec la « diversité » dans les écoles? Il ne faut pas avoir mis les pieds dans une école depuis plusieurs décennies pour imaginer que les bambins y sont tous blonds aux yeux bleus.

La figure 1 présente la proportion d’élèves issus de l’immigration dans les écoles publiques du Québec sur la période 1998-2025. Parmi les élèves issus de l’immigration, l’on compte les immigrants de première génération (nés à l’extérieur du Canada) et ceux de deuxième génération (nés au Québec mais avec au moins un parent né hors du Canada).

Figure 1.  Proportion d’élèves issus de l’immigration (1ère et 2ème génération) dans les écoles publiques, ensemble du Québec (1998-2025)

La figure 1 montre que les élèves issus de l’immigration comptaient pour 35,4 % de l’effectif total en 2025, c’est-à-dire que plus d’un élève sur trois est issu de l’immigration. Leur proportion a été multipliée par un facteur 2,5 en 27 ans. De la figure 1, l’on peut conclure que « nos enfants » sont en contact avec la diversité, en moyenne au Québec, sur une base quotidienne.

La figure 2 présente les même données pour le Centre de services scolaires de Montréal.

Figure 2.  Proportion d’élèves issus de l’immigration (1ère et 2ème génération) au Centre de services scolaires de Montréal (1998-2025)

La figure 2 montre que les élèves issus de l’immigration comptaient pour 73,7 % de l’effectif total en 2025, c’est-à-dire que presque trois élèves sur quatre sont issus de l’immigration. Leur proportion a été multipliée par un facteur 1,44 en 27 ans. A Montréal, « nos enfants » sont, depuis 2012 au moins, en minorité dans les écoles.

La figure 3 présente les même données pour le Centre de services scolaires des Découvreurs (à Québec).

Figure 2.  Proportion d’élèves issus de l’immigration (1ère et 2ème génération) au Centre de services scolaires des Découvreurs (1998-2025)

La figure 3 montre que les élèves issus de l’immigration comptaient pour 43,1 % de l’effectif total en 2025. Leur proportion a été multipliée par un facteur 5,2 en 27 ans. Au train actuel, les élèves non issus de l’immigration seront minoritaires dans les classes dans 3,5 ans (au cours de 2028).

Conclusion

Les trois graphiques présentés ici sont représentatifs de la situation à la grandeur du Québec; partout, la proportion d’élèves issus de l’immigration dans les écoles est en augmentation rapide et constante. Au point où la minorisation des élèves non issus de l’immigration est chose faite dans les écoles partout dans la grande région de Montréal.

Elle est aussi en cours dans des villes comme Québec où, au train actuel, elle surviendra d’ici 2028 environ. A la grandeur du Québec, la minorisation surviendra d’ici 19 ans, soit en 2044. Après cette date, les Québécois non issus de l’immigration seront minoritaires dans les jeunes classes d’âge et le deviendront pour toutes les classes d’âge lorsque les plus vieux mourront.

Cette minorisation de « nos enfants » dans les écoles, pour parler comme Mme Chagnon, est sans précédent dans l’histoire du Québec.  

Ces données posent des questions fondamentales.

Des questions comme celles-ci : Comment l’intégration à la majorité historique francophone peut-elle possiblement se faire si celle-ci n’est plus qu’une minorité dans le milieu d’intégration par excellence, soit l’école?

Pourquoi la question de l’école n’est-elle pas au cœur des discussions entourant la politique d’immigration (au lieu d’être un impensé)?

L’on constate que les seuils d’immigration sont nettement excessifs depuis très longtemps lorsque l’on les met en relation avec la capacité d’intégration dans les écoles. Cette capacité d’intégration devrait être déterminée en fonction de l’objectif de maintenir une majorité d’élèves non issus de l’immigration dans toutes les écoles.

Sinon, nous assisterons à la formation de ghettos, prélude à l’implosion du tissu social de notre société.

Qui est déjà largement en cours, à mon avis.

Montée du « masculinisme » dans les écoles?

« Montée du discours masculiniste chez les ados » titrait le Journal de Québec le 2 avril 2025 en citant une étude provenant de la « Chaire de recherche du Canada en prévention de la radicalisation violente » à McGill University. Selon cet article, il « se passe quelque chose » dans les écoles et « des experts et profs constatent que la montée des discours masculinistes chez les ados est « un phénomène bien réel » dans plusieurs écoles secondaires du Québec ».

Comme je suis friand de toute donnée qui pourrait nous aider à comprendre mieux ce qui se passe dans nos écoles, je suis allé lire l’étude en question. Les deux études en fait, car le rapport de recherche cité dans l’article « La polarisation sociale dans les écoles secondaires : comment promouvoir le bien-être et réduire la violence chez les adolescent.e.s » publiée en octobre 2024, était précédé d’un autre rapport publié en septembre 2023. 

Mais la lecture de ces rapports de recherche a soulevé en moi plus de questions que de réponses n’ont été fournies. La validité des résultats présentés par toute étude de type « épidémiologique », où l’on cherche à mesurer des variables diffuses ou subjectives dépend entièrement de la rigueur de la méthodologie (échantillonnage, puissance statistique, validité du questionnaire, etc.) employée. Des études -reposant sur des associations statistiques- rapportant des résultats erronés sont monnaie courante en sciences biomédicales, par exemple, au point où la chose a été étudiée. Par exemple, John P.A. Ioannidis a publié en 2005 un article ayant eu un certain retentissement où il arguait que la « majorité » des études scientifiques étaient tout simplement, pour raisons de vices méthodologiques, fausses. Si ce papier a suscité un débat musclé, il est accepté qu’une proportion non négligeable (de 14 à 50%?) des études biomédicales sont erronées. Est-ce le cas de ces deux rapports de recherche? Impossible de le savoir, mais certains éléments laissent songeur.

Échantillon statistique

Par exemple, l’échantillon statistique utilisé est constitué d’élèves de 6 écoles montréalaises, autant francophones qu’anglophones. La moitié des élèves de l’échantillon provenaient d’écoles anglaises. Quel est le biais introduit par le fait de choisir la moitié d’élèves provenant d’écoles anglaises, soit d’écoles n’ayant pas du tout le même profil de clientèle que les écoles françaises? On ne le sait pas. Mais cet échantillon n’est guère représentatif de la moyenne des élèves québécois, ou même montréalais. L’échantillon, cependant, me semble assez volumineux pour offrir une puissance statistique intéressante (1183 élèves).

Questionnaires

Ces études tentent, à l’aide de questionnaires distribués aux élèves, de mesurer simultanément un grand nombre de variables relevant des attitudes liées à la violence, à l’extrême-droite, au climat en classe, à l’environnement, au masculinisme, au mouvement LGBTQ+ (qui inclut autant l’homosexualité que la question trans) ainsi que l’attitude à l’égard des « conflits dans le monde ». Cela fait beaucoup. On essaie de tout mesurer simultanément et, comme le temps manque, on limite le nombre de questions par sujet. Qui trop embrasse mal étreint; à vouloir tout mesurer d’un coup, on risque de mal cerner chaque sujet faute de questions assez nombreuses et précises.

Masculinisme

Ce qui laisse deux questions seulement, par exemple, pour le masculinisme :

a) « Les garçons devraient contrôler les personnes avec lesquelles leurs copines interagissent »

b) « Les filles disent souvent « non », uniquement parce qu’elles ne veulent pas que les hommes pensent qu’elles sont faciles ».

Si la première question me semble claire car il est question du contrôle des femmes par les hommes dans une relation amoureuse, la deuxième me semble plus ambiguë. Doit-on comprendre que les femmes n’auraient ou ne devraient pas avoir d’autonomie dans le désir? Ou doit-on plutôt comprendre qu’elles devraient projeter une image de « pudeur »? Ces interprétations différentes pourraient entrainer des réponses contradictoires. La proportion d’élèves qui répondent « d’accord » à la première question est de 19,2% et de 20,7% à la deuxième. Le taux de non réponse à cette deuxième question est de 9,1%, ce qui est passablement élevé et qui introduit évidemment un biais.

Quoi qu’il en soit, les proportions en « accord » sont relativement faibles et l’étude conclut d’ailleurs, justement, que « concernant le masculinisme, les résultats montrent un niveau relativement faible de masculinisme chez les participant.e.s, avec une moyenne de 3.52 (SD=1.84) sur une échelle allant de 2 à 10 » (p.24).

On rajoute (p.24) « néanmoins, 34 % des élèves sont en accord avec au moins un énoncé sur deux, un pourcentage non négligeable ». En sous-titre de l’article, le JdeQ choisit d’ailleurs de faire ressortir ce 34%, qui amalgame tous les élèves qui sont en accord avec une des questions sans nécessairement être d’accord avec l’autre. Mais seulement 10% (environ) des élèves étaient « d’accord » pour les deux questions. Voilà qui est déjà pas mal moins spectaculaire. Et qui n’est pas mentionné.

Les religions

La phrase suivante de l’étude (p.24), rapportée dans l’article du JdeQ a attiré mon attention : « Les participant.e.s d’obédience chrétienne et musulmane soutiennent plus l’idéologie masculiniste que ceux ou celles qui ne s’identifient pas à une religion ».

Notons la formulation; les élèves de religion chrétienne ET musulmane. Dans cette phrase, ces deux religions sont englobées en une seule variable. Au Québec, mettre les « religions » dans un seul sac pour clamer -souvent- qu’elles sont globalement toxiques est une figure convenue du discours public.

Quand on consulte les résultats de la régression multiple (p.52), l’on constate que les croyances religieuses sont bien liées à un degré plus élevé de masculinisme. Le coefficient de régression est, en ordre de force, plus important pour l’islam, les « autres religions » (non définies) et le christianisme. Dans cet ordre. Le fait d’être musulman est presque aussi étroitement corrélé au masculinisme que le fait d’être de genre « garçon » (notons l’usage de la théorie du genre dans cette étude). Est-ce significatif? On ne le sait.

Mais il est clair que le « masculinisme » que l’on cherche à mesurer ressemble étrangement à certaines conceptions de la femme provenant des religions monothéistes. Il n’est alors pas étonnant que l’islam, qui a une conception particulièrement rétrograde de la femme, arrive en tête de liste de la corrélation avec le masculinisme.

Plus loin dans l’étude, l’on constate aussi que l’islam est corrélé, de façon statistiquement significative, à « l’intention à la radicalisation violente » (p<0,05, p.54), mais ce résultat (alarmant?) n’est mis en exergue nulle part dans l’étude. Étrange alors que cette étude provient pourtant de la « Chaire de recherche du Canada en prévention de la radicalisation violente ».

Le nationalisme

Il y aurait plus à dire. D’autres questions me semblent être mal posées, ambiguës, ou véhiculent une forte charge idéologique. Par exemple, les variables « xénophobie » et « nationalisme » sont mesurées avec les questions : a) « Les étrangers ne devraient pas avoir le droit de vivre au Québec », b) « ça me fâche quand les gens ne sont pas fiers du Québec » et c) « Je détesterais voir plus d’enseignant.e.s et d’enfants d’immigrants au Québec » (Tableau 4, p.49). Par la première, par exemple, que veut-on dire par « étrangers »? Des sans-papiers? Des immigrants illégaux? Des gens qui n’appartiennent pas à notre groupe ethnique ou culturel? Cela n’est pas clair. Si l’on interprète la question a) comme signifiant « sans-papiers », plusieurs trouveront normal qu’ils n’aient pas le droit de vivre chez nous (c’est la loi, après tout). Si l’on l’interprète comme signifiant « hors de notre groupe ethnique », alors on pourrait, oui, parler d’une attitude xénophobe. Pour la question b), faut-il comprendre que le simple fait d’être « fier du Québec » serait un marqueur de xénophobie et de nationalisme? Voilà qui est particulier. Il est à noter que les « attitudes d’extrême-droite » sont tout bonnement amalgamées avec le « nationalisme ». Cette démonisation du nationalisme (Québécois, s’entend) est un choix idéologique qui en dit long sur le climat intellectuel dans lequel baigne les auteurs de l’étude.

Conclusion

Joannidis affirmait que « les résultats de recherche pourraient souvent n’être qu’une mesure des biais préexistants », autrement dit beaucoup d’études sont mal conçues et ne font que refléter les biais intrinsèques à leur méthodologie.

La charge idéologique forte de certains volets des questionnaires, les questions mal posées, ambiguës ou pas assez nombreuses limitent, à mon avis, la portée des conclusions des études dont il est question ici. Ce qui est malheureux.

Ce qui n’empêche cependant nullement le JdeQ de faire un texte alarmiste sur une soi-disant « montée » du masculinisme dans des écoles. Mais les études citées dans l’article ne disent pas ça.

On préfère donc, dans le sillon d’un série (de fiction!) Netflix sur le masculinisme, passer sous silence le fait que les études dont nous disposons indiquent que le degré de masculinisme mesuré est relativement faible dans 6 écoles montréalaises. Et on escamote le fait que ces études nous apprennent que seul l’islam est corrélé statistiquement à « l’intention à la radicalisation violente ».

Dans ces études, l’idéologie -le wokisme- contamine non seulement le choix des questions de recherche, mais également ce qui est rapporté. Et l’idéologie est l’antithèse d’une démarche scientifique rigoureuse.

La démographie, c’est le destin

L’absence de réaction forte, le détournement presque général du regard des politiques (sauf PSPP, soulignons-le) face aux menaces de mort d’une violence inouïe (qui appelaient au « génocide des gays » ! par exemple) visant un professeur homosexuel dans une de nos écoles prépare le terrain à des évènements futurs plus graves encore, par exemple à un futur Samuel Paty québécois.

Est-ce exagéré d’affirmer cela ? Non. Les mêmes causes produisent les mêmes effets et nous ne sommes pas protégés par un quelconque « exceptionnalisme » canadien ou québécois.

Les incidents reliés aux problèmes d’intégration d’une certaine proportion de l’immigration très abondante que nous accueillons depuis quelques décennies s’accumulent.

L’année passée, il y a eu par exemple le cas de l’école Bedford à Montréal, une école primaire où, selon les informations qui ont coulé publiquement, des islamistes ont noyauté le corps professoral ; celui-ci, par exemple, est constitué de 90% de personnes originaires d’Afrique du Nord (ce qui constitue tout de même une sacrée anomalie statistique) et l’enseignement semble dévier pas mal du programme pédagogique des écoles québécoises. Les enfants sont pris en otage par soit par des incompétents, soit des fanatiques. Il faut écouter l’entrevue d’une ex-professeur à cette école pour réaliser à quel point la situation y est grave. Mais le plus consternant est que cette histoire n’a suscité aucune réaction digne de ce nom ! C’est le silence depuis ces révélations de mai 2023.

Il y a également eu le cas des prières de masse dans des écoles de la région de Montréal lors du ramadan l’année passée, une démonstration de force visiblement concertée et organisée, qui heureusement, a mené à l’adoption d’une consigne visant leur interdiction (aujourd’hui contestée en cour par des groupes fréristes, histoire à suivre).

Il y eu les chroniques crève-cœur de Jean-François Lisée (« Identité anti-québécoise ») qui révélaient la montée de ce qu’il faut bien nommer un racisme anti-québécois de la part de certains élèves issus de l’immigration, élèves qui sont maintenant majoritaires dans un très grand nombre d’écoles. Une situation qui mène souvent à un mépris ouvert pour l’identité québécoise. Il faut lire à ce sujet ce témoignage poignant (« Longtemps j’ai refoulé mon identité québécoise »).

Certaines écoles de la région de Montréal ne sont plus « multiculturelles » ou « multiethniques », mais sont maintenant majoritairement « arabo-musulmanes » ou « africano-haïtiennes ». Les élèves d’origine québécoise y sont une espèce en voie de disparition. C’est ce que dit indirectement cet article de la Presse avec force périphrases et litotes.

C’est le rapport de force démographique entre « communautés » qui compte ici, et qui s’affirme avec une force grandissante dans nos écoles. Le niveau d’immigration est tel depuis 20 ans qu’il a conduit à une submersion démographique des élèves non immigrants par les élèves immigrants de première et deuxième génération partout dans le grand Montréal et même, de plus en plus, en région. Notre politique d’immigration, sélectionnant selon la « connaissance du français », ne pose pas la question des « valeurs » ou même de la volonté d’intégration. On suppose que cette volonté est là alors qu’en réalité, pour les islamistes par exemple, le but avoué est de ne jamais s’intégrer et d’ériger une société parallèle sur notre sol. Ce qui nous garantit un cauchemar sociétal dans l’avenir car ces gens visent, à terme, l’établissement d’un califat.

L’intégration est un processus long, qui prend du temps (au moins deux générations) et qui dépasse de beaucoup la simple question de la « connaissance du français ». Pour que l’intégration soit possible, le nombre d’immigrants, leur proportion doit être limitée afin que le rapport de force démographique soit en faveur des non immigrants. Ce n’est plus le cas dans des écoles partout dans le grand Montréal et dans les grandes villes comme Québec ou Sherbrooke. En conséquence de quoi, les succès d’intégration que nous avons eus dans le passé risquent fortement de se tarir. L’intégration va même aller dans l’autre sens.

Les bonnes intentions, les slogans vides, les phrases creuses n’ont aucune portée et ne servent qu’à rassurer ceux qui ne veulent pas regarder la situation en face.

C’est la démographie qui va trancher la question de l’intégration.