J’ai lu « Les premiers Canadiens » (Tome 1, Liber, 2024) de Jacques Houle.
Il s’agit une synthèse accessible, bien écrite, entrainante, qui reconstitue l’histoire des Canadiens français du Québec, de « l’aube » en Nouvelle-France (1600) à la « Révolution canadienne » au Bas-Canada (1837-1839).
Ce livre nous redonne véritablement notre histoire nationale et retisse la trame qui nous relie à nos ancêtres. C’est un livre centré sur l’histoire de notre peuple et dont le but n’est pas d’en faire le procès. Ce simple fait le fait ressortir du lot dans le panorama actuel marqué par une large volonté de déconstruction et dirais-je même, d’avilissement.
Ce livre nous permet de revisiter notre passé et nous fait redécouvrir nos ancêtres avec des yeux neufs; des gens courageux, qui ont, au prix d’un labeur incessant, ouvert un pays nouveau dans des conditions difficiles et même souvent extrêmement pénibles.
L’angle utilisé par l’auteur est souvent novateur, comme lorsque, par exemple, il traite de la « Conquête du Canada » et nous fait voir, en détails, l’apprêté de la politique de terre brûlée et de terreur qui a été appliquée par l’armée anglaise en 1759 pour casser la résistance des Canadiens, dans ce qui est peut-être la première application à large échelle du concept de « guerre totale » c’est-à-dire d’une guerre qui visait autant les civils que les militaires, en rupture, même si toute guerre est atroce, avec les usages européens d’alors. Les mots du général Wolfe, qui a toujours une rue à son nom à Québec (et Lévis), sont rappelés : « J’aurais plaisir, je l’avoue, à voir la vermine canadienne saccagée, pillée et justement rétribuée de ses cruautés inouïes » (p.169). Pas étonnant que cet événement fondateur du pays que deviendra le Canada hante encore la conscience collective.
Houle recadre également la bataille des plaines d’Abraham du 13 septembre 1759 en « demi-succès » britannique, surtout lorsque vue en combinaison avec la deuxième bataille des plaines d’Abraham du 28 avril 1760 (une victoire française) et conclut que la défaite française est d’abord politique et est due au manque d’envergure et de vision de Louis XV et de la coterie de ministres et conseillers à courte vue qui l’entourait.
L’abandon de l’immense Nouvelle-France en faveur des quelques iles sucrières et de droits de pêche à la morue lors du Traité de Paris de 1763 est vécue comme un choc et un traumatisme par les Canadiens. Ce sentiment est parfaitement formulé par une religieuse hospitalière dans une lettre à un ministre français « On ne peut, monseigneur, dépeindre au naturel la douleur et l’amertume qui s’est emparée de tous les cœurs à la nouvelle de ce changement de domination » (p.184).
Avec ce livre, on revit, avec cette hospitalière anonyme, cette émotion et l’on sent bien le lien invisible qui nous lie à elle presque trois siècles plus tard. Car nous sommes toujours aujourd’hui, en réalité, plongés dans la douleur et l’amertume de la domination anglaise, même si le déni nous fait enfouir cette admission très loin dans nos coeurs.
C’est la magie de l’Histoire. Et ce livre nous la fait vivre.