Mettre nos enfants en contact avec la « diversité »?

Mme Rachel Chagnon, doyenne de la Faculté de science politique et de droit de l’UQAM, s’est fait quelque peu connaitre, malheureusement pour nous, en donnant son opinion sur les signes religieux dans les écoles à Radio-Canada dernièrement. Rappelons ses paroles :

« Est-ce que c’est un vrai problème? Est-ce que l’on a des milliers de jeunes enfants dans les écoles en portant des signes religieux ostensibles? Est-ce que mettre nos enfants en contact avec la différence, est-ce si terrible que ça? Est-ce que c’est si épouvantable qu’un petit enfant Québécois soit confronté à la réalité d’un enfant qui a un autre vécu que le vécu catholique, est-ce que c’est si troublant et si épouvantable qu’on doive s’assurer que tous les enfants sont pareils, qu’ils sont tous dans le même moule et, pourquoi pas, tous blonds aux yeux bleus ».

Dans un texte précédent, j’ai analysé la première partie de son affirmation. Voyons maintenant ce qu’il en est pour la deuxième, à savoir si cela est « si terrible » de « mettre nos enfants en contact avec la différence ».

Nos enfants et la « différence »

Premièrement, il est implicite, dans son affirmation « mettre nos enfants avec la différence » que, dans son esprit, « nos enfants » seraient en quelque sorte tous identiques et ne pourraient, en soi, incarner la « diversité ».

C’est parce qu’ils seraient tous, sans doute, de « petits blonds aux yeux bleus »? Outre le grotesque de cette affirmation, depuis quand peut-on réduire un individu à sa couleur de peau ou de cheveux, à son origine ethnique ou à sa religion? Même si l’on assumait que « nos enfants » seraient tous blancs ou blonds, seraient-ils tous identiques pour autant? Cette réduction d’une être humain à un ou deux attributs est une négation de la dignité et de la complexité de la personne humaine.

Ce processus de réduction et d’essentialisation n’est-il pas là l’essence même du racisme? Un racisme bon chic bon genre endossé sur les ondes de la société d’état, sous les rires complices de l’animatrice. Cela est consternant.

Deuxièmement, il est évident que pour Mme Chagnon, une des incarnations de la « diversité », outre la couleur de peau ou des cheveux, seraient les signes religieux. Le voilement des fillettes ne devrait pas être considéré comme une forme de maltraitance, mais comme un simple « vécu ».

La « diversité » dans les écoles

Si l’on va au-delà des signes religieux, est-il vrai que nos enfants ne seraient pas en contact avec la « diversité » dans les écoles? Il ne faut pas avoir mis les pieds dans une école depuis plusieurs décennies pour imaginer que les bambins y sont tous blonds aux yeux bleus.

La figure 1 présente la proportion d’élèves issus de l’immigration dans les écoles publiques du Québec sur la période 1998-2025. Parmi les élèves issus de l’immigration, l’on compte les immigrants de première génération (nés à l’extérieur du Canada) et ceux de deuxième génération (nés au Québec mais avec au moins un parent né hors du Canada).

Figure 1.  Proportion d’élèves issus de l’immigration (1ère et 2ème génération) dans les écoles publiques, ensemble du Québec (1998-2025)

La figure 1 montre que les élèves issus de l’immigration comptaient pour 35,4 % de l’effectif total en 2025, c’est-à-dire que plus d’un élève sur trois est issu de l’immigration. Leur proportion a été multipliée par un facteur 2,5 en 27 ans. De la figure 1, l’on peut conclure que « nos enfants » sont en contact avec la diversité, en moyenne au Québec, sur une base quotidienne.

La figure 2 présente les même données pour le Centre de services scolaires de Montréal.

Figure 2.  Proportion d’élèves issus de l’immigration (1ère et 2ème génération) au Centre de services scolaires de Montréal (1998-2025)

La figure 2 montre que les élèves issus de l’immigration comptaient pour 73,7 % de l’effectif total en 2025, c’est-à-dire que presque trois élèves sur quatre sont issus de l’immigration. Leur proportion a été multipliée par un facteur 1,44 en 27 ans. A Montréal, « nos enfants » sont, depuis 2012 au moins, en minorité dans les écoles.

La figure 3 présente les même données pour le Centre de services scolaires des Découvreurs (à Québec).

Figure 2.  Proportion d’élèves issus de l’immigration (1ère et 2ème génération) au Centre de services scolaires des Découvreurs (1998-2025)

La figure 3 montre que les élèves issus de l’immigration comptaient pour 43,1 % de l’effectif total en 2025. Leur proportion a été multipliée par un facteur 5,2 en 27 ans. Au train actuel, les élèves non issus de l’immigration seront minoritaires dans les classes dans 3,5 ans (au cours de 2028).

Conclusion

Les trois graphiques présentés ici sont représentatifs de la situation à la grandeur du Québec; partout, la proportion d’élèves issus de l’immigration dans les écoles est en augmentation rapide et constante. Au point où la minorisation des élèves non issus de l’immigration est chose faite dans les écoles partout dans la grande région de Montréal.

Elle est aussi en cours dans des villes comme Québec où, au train actuel, elle surviendra d’ici 2028 environ. A la grandeur du Québec, la minorisation surviendra d’ici 19 ans, soit en 2044. Après cette date, les Québécois non issus de l’immigration seront minoritaires dans les jeunes classes d’âge et le deviendront pour toutes les classes d’âge lorsque les plus vieux mourront.

Cette minorisation de « nos enfants » dans les écoles, pour parler comme Mme Chagnon, est sans précédent dans l’histoire du Québec.  

Ces données posent des questions fondamentales.

Des questions comme celles-ci : Comment l’intégration à la majorité historique francophone peut-elle possiblement se faire si celle-ci n’est plus qu’une minorité dans le milieu d’intégration par excellence, soit l’école?

Pourquoi la question de l’école n’est-elle pas au cœur des discussions entourant la politique d’immigration (au lieu d’être un impensé)?

L’on constate que les seuils d’immigration sont nettement excessifs depuis très longtemps lorsque l’on les met en relation avec la capacité d’intégration dans les écoles. Cette capacité d’intégration devrait être déterminée en fonction de l’objectif de maintenir une majorité d’élèves non issus de l’immigration dans toutes les écoles.

Sinon, nous assisterons à la formation de ghettos, prélude à l’implosion du tissu social de notre société.

Qui est déjà largement en cours, à mon avis.