Recension de lecture. « L’étrange suicide de l’Europe » de Douglas Murray
Je n’avais jamais lu Douglas Murray, écrivain et intellectuel britannique de son état, connu pour de multiples livres et interventions médiatiques. J’ai donc corrigé cette lacune et lu « L’étrange suicide de l’Europe : Immigration, identité, islam », paru en 2017.
Un livre de plus de 500 pages qui fournit un tour d’horizon encyclopédique de la question de l’immigration en Europe, partant des débuts de l’immigration de masse suite au boom économique des « trente glorieuses » de l’après-guerre où s’est fait sentir un besoin de main-d’œuvre pour nourrir la machine de production alors en plein essor en passant par la « crise des migrants » et l’ouverture des portes de l’Allemagne par Angela Merkel à un million de réfugiés de 2015-2016, ouverture qui a conduit à ce que l’Aternative fur Deutschland (AFD) un parti antisystème qui souhaite sortir l’Allemagne de l’Union Européenne et réduire drastiquement l’immigration, soit aujourd’hui en tête des intentions de vote dans ce pays. Partout en Europe, la question de l’immigration, refoulée aux marges pendant des décennies, ressurgit et bouleverse l’échiquier politique.
Murray démontre brillamment à quel point la question de l’immigration n’a jamais été réfléchie sérieusement par l’ensemble des élites politiques européennes. Ainsi, le début de l’immigration de masse était vu comme une solution « temporaire » à la pénurie de main-d’œuvre des années soixante. Mais, évidemment, les immigrants « temporaires » sont restés, ont fait venir leurs femmes, ont eu des enfants, ont fait souche dans le pays et sont devenus de plus en plus nombreux. Le flux d’immigrants, attirés par la qualité de vie de l’Europe (plus que par sa culture) a augmenté d’une année à l’autre et d’une décennie à l’autre, tel un schème de Ponzi inarrêtable. A chaque étape, la perspective court terme a dominé; aucun politique n’a pensé aux conséquences à long terme de faire venir des population aux mœurs différentes, et pour certaines, provenant de cultures totalement incompatibles avec celles de l’Europe. Les politiciens élus pour quelques années et ne pensant qu’à leur réélection prochaine ont évacué toute pensée long terme et ont ainsi entrainé l’Europe dans la catastrophe actuelle. On touche là à une faiblesse fondamentale -peut-être fatale- de la démocratie libérale.
Murray parle des quelques lanceurs d’alertes, tel le député anglais Enoch Powell, qui a eu le malheur de réfléchir à la question de l’immigration et qui a tiré les conséquences logiques des évènements qu’il voyait se dérouler sous ses yeux. Powell a averti que l’immigration de masse, si elle continuait, allait changer la société anglaise de façon profonde et non souhaitée. La parole de Powell a résonnée dans le peuple Anglais : les sondages de l’époque indiquaient déjà que de plus de 60% de la population était hostile à l’immigration de masse, soit environ le même niveau qu’aujourd’hui. Cela fait donc presque soixante ans que le peuple Anglais s’oppose à l’immigration massive et cela fait soixante ans que les élites politiques ignorent totalement le peuple et que l’immigration augmente d’une année à l’autre et d’une décennie à l’autre, peu importe que le gouvernement soit « Labor » ou « Conservative ». En immigration, la trahison des élites européennes est totale et dure depuis des décennies.
Le parallèle à faire avec notre situation est frappant : la CAQ s’est fait élire largement sur une promesse de réduction de l’immigration et on se retrouve pourtant, 7 ans plus tard, avec des niveaux d’immigration qui fracassent tous les records historiques malgré l’opposition de la population à la chose. Ce qui est à souligner également, c’est à quel point le Canada suit le script Britannique à la lettre avec quelques années de retard seulement : ainsi, Murray écrit qu’en Angleterre, en 2014, 37% des nouveau-nés avaient au moins un parent né à l’étranger et que 27% en avaient deux; un niveau que le Québec a atteint, grosso modo, en 2023. On peut parier que M. Carney, qui a passé beaucoup de temps en Angleterre, va nous servir les mêmes potions que l’élite anglaise a dispensée à son peuple.
Pour revenir à Powell : celui-ci a été complètement écrasé politiquement par l’élite en place, qui refusait d’admettre qu’elle ait pu commettre une erreur, a été calomnié, accusé de racisme, sa carrière a été détruite et il a sombré dans l’oubli. Le prix à payer pour s’opposer à l’immigration de masse était (et est) immense. Tous les opposants potentiels ont compris le message et se sont tus. C’est ainsi qu’en immigration, la censure, le mensonge et le double discours sont devenus dominants; dans les décennies suivantes, les hommes et femmes politiques qui avaient des doutes sur la politique d’immigration se turent. Cela a permis aux choses de continuer.
Le refus absolu de la classe politique d’admettre ses erreurs a mené à la fuite dans l’idéologie de la « diversité » et du « multiculturalisme », le déni de la réalité et une vision du monde niant les profondes différences culturelles qui peuvent exister entre les peuples. Différences parfois irréconciliables comme on le voit avec la question de l’islam qui est en train de fissurer à peu près toutes les sociétés occidentales, la solution pour « vivre ensemble » sans soumission avec une religion aux visées souvent totalitaires et hégémoniques n’ayant été trouvée par personne.
Murray, et c’est sa force, ne s’interdit d’examiner aucune question et enfreint les tabous : les gangs musulmans au Royaume-Uni organisant le viol de jeunes filles blanches, non musulmanes et considérées en conséquence comme des sous-humaines, l’explosion des viols en Suède suite à l’ouverture des vannes de l’immigration au début des années 2000, le nihilisme et le mépris pour la culture européenne enrayant l’intégration et créant un appel d’air, la laïcité en tant qu’héritage profondément catholique et impensable dans la culture islamique, la démographie qui fera en sorte que les peuple européens deviendront minoritaires dans leurs propres pays au cours des décennies à venir et que ces peuples (mais pas les autres peuples!) seront donc privés à jamais d’un « chez eux », la haine de l’Occident qui est à la base du « multiculturalisme » où la seule culture qui n’a aucune valeur et qui doit disparaitre est la nôtre, etc.
Le tour d’horizon de Murray est complet. Et s’il aborde les questions qui choquent, avec une liberté de parole quasiment impensable au Canada et au Québec, c’est toujours avec nuance et appuyé par des témoignages de première main, du travail de terrain et par une abondante documentation.
Un livre époustouflant dont on ressort convaincu d’une chose : soit les peuples occidentaux vont bientôt réussir à reprendre le contrôle démocratique de la question de l’immigration, soit ils vont disparaitre. Et va disparaitre avec eux la culture européenne et occidentale, seul héritage encore vivace de l’esprit grec et romain qui a apporté au monde, entre autres bagatelles, la science, l’égalité de tous devant la loi, les droits de l’homme, l’égalité homme-femme, la fin de l’esclavage, la séparation du temporel et du spirituel, etc. Un héritage culturel, donc, dont on n’a pas à avoir honte et que l’on pourrait choisir de porter bien haut.
La question de l’immigration est à mon avis LA question la plus importante pour les prochaines années, celle dont dépend toutes les autres. Ce livre est donc à lire absolument.